« Trois Frères de sang »/Festival du cinéma brésilien/semaine du documentaire

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Comme je l’avais écrit dans mon billet sur le programme du festival du cinéma brésilien,seconde partie, avec la semaine du documentaire du 2 au 8 mai, c’est par hasard que j’ai rencontré la semaine dernière, à la soirée d’ouverture du film brésilien de fiction, la réalisatrice Angela Patricia Reiniger. La manière dont elle m’avait présenté son film m’ayant convaincue d’aller y voir de plus près, je me suis donc rendue cet am au cinéma Latina dans le Marais à Paris.

Au départ, le sujet n’est pas très ludique, trois frère morts tous trois du sida, trois personnalités icônes connues dans tout le Brésil pour bien d’autres choses que leur maladie dont ils feront un moteur. La réalisatrice divise son film en trois parties, primo, les origines, secundo, le sang du Brésil, tertio, le sida. Traiter les deux dernières parties de manière transversale, respecte ainsi la vie de ces trois hommes qui se déroule «comme un opéra», dira un des témoins dans le film.

Nés d’une famille de 16 enfants dont 8 seulement vivront, Henfil, Chico Mario et Betinho vont s’investir dans la lutte politique et sociale chacun dans son domaine. Henfil fut un caricaturiste très connu pour la presse nationale, notamment avec le personnages du «Petit moine», n’hésitant pas à faire parler sa mère dans des chroniques pour dire du mal du régime militaire. Chico Mario, guitariste depuis l’enfance, fut auteur compositeur de chansons engagées. Betinho, l’aîné, demeure le plus célèbre des trois. Sociologue renommé, il se voit décerner vers la fin de sa vie le prix Nobel de la paix pour la création du ABIA, organisation de lutte contre le SIDA, l’équivalent au Brésil de AIDES, et pour ses nombreuses campagnes contre la faim.

Dans leur enfance, les trois fils hémophiles sont protégés et choyés par leurs sœurs leur interdisant de jouer pour ne pas se blesser, interdiction qu’ils transgressent allègrement. Enfance dans le sertão (sorte de maquis) du nord de l’état de Minas Gerais, élevés d’abord dans un pénitencier, leur père y étant employé, puis, à Belo Horizonte où leur père tiendra ensuite une entreprise de pompes funèbres, les sœurs gardent le souvenir d’une enfance très joyeuse… Lors du retour à Belo Horizonte aujourd’hui sur les lieux de leur enfance, une des sœurs filmées devenue une vieille dame rousse effrontée terriblement sympathique, fait des commentaires très drôles sur l’évolution des cercueils qui sont devenus «bien chics» avec le temps… La clinique de la maternité étant proche de l’entreprise des pompes funèbres, elle plaisante que la vie et la mort sont des affaires qui rapportent au Brésil…

Le ton du film sera celui de la vie des trois frères : aucun pathos (une performance vu le sujet) mais la permanence du «carpe diem», profiter de chaque instant de bonheur et essayer d’améliorer le quotidien d’un Brésil aimé au delà de tout, pauvre et maltraité par la dictature militaire. L’urgence de faire le maximum de choses en un minimum de temps va agir comme un formidable booster de vie. Au delà de la maladie, la leçon de vie est universelle, le cas de la maladie ne faisant que poser un calendrier précis, avec la certitude d’une fin prématurée, d’une échéance finale que nous connaîtrons tous, à la différence que nous ignorons quand.

Pour le spectateur français, le film est très riche en enseignements, non seulement, on s’attache rapidement aux personnalités des trois frères, à leur courage, leur générosité, leur sourire, avec des nombreux extraits d’archives à différents stades de leur vie et des témoignages de leurs proches, mais encore l’histoire de l’installation à la fin de la dictature au Brésil est brossée en toile de fond nous apprenant l’essentiel. Enfin, on mesure la catastrophe que fut l’épidémie de Sida au Brésil. Une des premières préoccupations de Betinho, apprenant qu’il est malade du Sida, sera de penser à protéger les autres, à contrôler le sang des perfusions, jusqu’à créer l’ABIA, organisme de lutte contre le Sida financé par des fonds privés.

Après la mort de ses deux frères à 40 et 44 ans, Betinho ira faire un test de dépistage du sida pour découvrir que lui aussi est atteint de la maladie, il en mourra à 62 ans. Pour acheter des médicaments pour Chico Mario, ses amis chanteurs organiseront un concert mais il viendra dire au micro «je me bats pour survivre comme les pauvres pour vivre». La solidarité familiale, la solidarité entre les trois frères, la solidarité avec tous leurs frères brésiliens est stupéfiante pour nous. Terrible pub de l’époque d’une assiette en métal vide qui roule pour venir faire le O du mot « Fome » (faim) avec le commentaire «le plat du jour des brésiliens» c’est à dire rien!

Quand, vu de Paris de son confortable fauteuil du Latina dans un quartier à la mode, au sortir de la prise de tête du débat Ségo-Sarko de la veille avec l’anti-solidarité et les faux problèmes des pays nantis, entre deux lectures de magazines type «Elle» avec comment perdre toujours plus de kilos pour entrer dans une taille 38 d’un jean de créateur hors de prix sali et déchiré, ça vous remet l’échelle des valeurs en place !

Ce film de plus de deux heures va être distribué en DVD dans des écoles au Brésil sous un format de 50 mn, il ne serait pas inutile de le diffuser bien plus largement… J’en ai fais l’expérience, ce film est une thérapie, car, je l’avoue, je suis sortie de la salle beaucoup plus en forme que je n’y étais entrée, une magistrale leçon de vie que le film du destin des ces trois frères où on rit, on pleure, on se révolte, on vit…

Seconde projection du film au cinéma Latina, 20, rue du Temple Paris (4°) métro Hôtel de ville dimanche 6 mai à 20h00 (suivi à 22h par "Fabricando Tom Zé", un documentaire sur le chanteur Tom Zé qui a reçu le prix du public à Rio)

Infos officielles de Herbert (Betinho) de Souza dans le cadre de la lutte contre le sida

"O jovem não é o amanhã, ele é o agora"
("la jeunesse n’est pas demain, elle est maintenant")


 

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Posted by:

zoliobi

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