« Voici le temps des assassins  » : née pour le mal

Julien Duvivier, 1956

Pitch

Un restaurateur connu et respecté des Halles reçoit la visite de la fille de son ex-épouse décédée dont il a divorcé 20 ans plus tôt dans le drame. Mais il craque pour la jeune fille qu'il épouse un peu vite sans la connaître.

 
De Julien Duvivier, on connaît surtout les premiers films mythiques avec Jean Gabin jeune comme « La Bandera » (1935), « Pépé le Moko » (1936), « La Belle équipe » (1937). Mais aussi les films de Duvivier des années 60 « Chair de poule » (1963) avec Robert Hossein ou « Diaboliquement vôtre » (1967) avec Alain Delon et Senta Berger sans oublier « Marie-Octobre » (1958) avec Danielle Darrieux et « La Femme et le pantin » (1958) avec Bardot. Le thème de la femme de pique qu’affectionne Duvivier couplé au personnage d’un Gabin vieillissant mais portant beau s’entichant d’un femme jeune qui lui fait perdre les pédales comme il en interprétera pas mal (par exemple dans « En Cas de malheur »* (1958) d’Autant-Lara ou « Le Désordre et la nuit » *(1958) de Gilles Grangier) sont combinés dans ce film « Voici le Temps des assassins »* (1956). Au passage, tous les films que je viens de citer sont des must, quelle belle époque pour le cinéma français!!!

—–
André Chatelin est un restaurateur aimé de ses employés, de ses clients fidèles, de sa mère, de Gérard, son protégé étudiant en médecine. Quand vient s’inscruster chez lui Catherine, une jeune fille se prétendant la fille de son ex-épouse Gabrielle qui semble avoir laissé à tous un souvenir épouvantable. La mère d’André Chatelin n’est pas dupe et se méfie immédiatement de Catherine. La jeune fille joue double jeu aussi souvent qu’elle en a l’occasion, cherchant d’abord à fâcher André et Gérard, puis à séduire André et s’en faire épouser, enfin, à séduire Gérard et le convaincre qu’André la maltraite.Catherine devenue Madame Chatelain, on découvre que sa mère, qu’elle cache dans un hôtel miteux, n’est pas morte, mais usée et toxicomane, téléguidant nénamoins la vie de sa fille, ayant organisé ce mariage pour ruiner l’homme qu’elle rend responsable de sa misère. Le film va loin dans les sous-entendus de la vie qu’a fait mener cette mère déglinguée et tarée à sa fille qu’elle a visiblement prostitué enfant à Marseille où elle tenait une sorte de maison close. On comprend assez d’ailleurs l’horreur qu’inspirent les hommes à Catherine, son horreur de sa mère n’étant pas moins forte sauf qu’elle lui obéit malgré tout… Elle dira qu’elle déteste l’amour et n’aspire qu’au confort, à la propreté…


Le personnage de Madame Chatelain mère n’est pas tellement plus sympathique que celui de la belle-fille qu’elle détestait, dont on laisse entendre qu’elle a été à l’origine du divorce ; quand André, qui souçonne Catherine de lui mentir, l’enferme dans le relais restaurant des bords de Marne tenu par sa mère, celle-ci l’enferme à clé dans une chambre, la fouette avec un balai comme elle maltraite ses employées ou bastonne les poulets… Finalement, un chien amènera un pseudo happy-end dans un film noir comme l’encre où le mal aurait dû logiquement entraîner les personnages bons ou mauvais à leur perte. Quoique le retour du tête à tête d’André avec sa mégère de mère, qui a toujours éliminé toutes les femmes qu’il a aimées, le condamnant au célibat forcé, n’est peut-être pas aussi happy end qu’on peut le penser au premier degré.
Un trio d’acteur éclaire ce film si sombre, si l’on peut dire, Jean Gabin, toujours nickel, Danièle Delorme, un peu androgyne, parfaitement ingénue perverse, et le jeune Gérard Blain. Les scènes au restaurant des Halles devenu assez snob et fréquenté par l’élite (le club des 100) tranchent avec le relais des bord de Marne où l’on danse enlacés le dimanche, lieu d’origine de Chatelain où il revient les dimanches pluvieux rendre des comptes à sa mère. Du cinéma français d’une telle qualité, quand on savait captiver le spectateur avec une histoire simple sobrement élaborée et des acteurs hors pairs jouant simplement, on en redemande!
     
* Gabin et Danièle Delorme chez Duvivier ; Gabin et Nadja Tiller chez Grangier ; Gabin et Bardot chez Autant-Lara

PS. J’ai vu ce film sur Direct 8, une chaîne que je ne regarde jamais et pour cause : le film a été saucissonné par la pub en trois parties… mieux vaut l’acheter en DVD…

 

Mots clés:

Partager l'article

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top