« We need to talk about Kevin » : le rouge est mis, Faye Dunaway en ouverture de Cannes Classics avec « Portrait d’une enfant déchue »


 

 

J’inaugure un festival de Cannes plus zen que les années précédentes où je passais mes journées à courir faire de la retape sur le tapis rouge et mes nuits à écrire sur mon blog. Aujourd’hui, mon hôtel étant sur le vieux port, je visite, je flane rue Meynadier dans la vieille ville avant d’arriver près du palais des festivals, je retourne néanmoins pratiquer le sport cannois le plus prisé du festival pour demander une invit pour la séance de 15h, les festivaliers sont agacés de ces demandes, ces pancartes, on n’est pas moins gêné mais ça marche souvent, au bout d’un quart d’heure, j’abandonne l’aile Debussy pour l’aile Croisette (les invités entrent des deux cotés du tapis rouge) et une dame me donne un ticket bleu corbeille. Le film « We need to talk about Kevin » de la réalisatrice anglaise Lynne Ramsay : un red nightmare sur red carpet, la symbolique rouge envahissant l’écran.
 
Thierry Frémeaux, Jerry Schatzberg, Faye Dunaway

La soirée du jeudi 12 mai était celle des ouvertures de toutes les sections parallèles comme la Semaine de la critique avec « La Guerre est déclarée » de Valérie Donzelli. Pour ma part, le choix était fait depuis Paris : « Portrait d’une enfant déchue » de Jerry Schatzberg avec Faye Dunaway, tous deux présents à la salle du 60° anniversaire bondée avec des invités de marque comme Fatih Akin ou Pierre Rissient, Michel Ciment, auteur du seul livre français sur Jerry Schartzberg. Malheureusement, le son est mauvais, les gens protestent bruyamment, beaucoup plus dérangeants encore que le son. On s’y reprend à trois fois avant de montrer la même version sonore que lors des deux premiers essais. J’ai déjà fait un article ici pour présenter le film… Le résultat est assez indescriptible.
« Puzzle of a Downfall Child » (« Portrait d’une enfant déchue » (1971) de Jerry Schaztberg


photo Carlotta

Un photographe de mode va voir un ancien top model retirée dans une maison isolée sur la plage afin de mener à bien une série d’interviews préalables à la réalisation d’un film sur sa vie. Le film fait le va et vient entre présent et passé mais pas un passé souvenir, plutôts des souvenirs fantasmés du passé telle qu’elle l’a perçu, occulté parfois comme cette image de l’homme plus âgé quand elle avait quinze ans. Lou-Andreas Sand (nom emprunté à Lou-Andreas Salomé) s’appelait Emily et même Aaron Reinhardt, le photographe n’en savait rien. Les débuts de Lou comme mannequin, l’amitié ambigüe avec Pauline Galba, la photographe excentrique mariée à un médecin, le mariage avec Mark (Roy Scheider), l’hôpital psychiatrique, et, récurrentes, les relations d’amitié amoureuses entre Lou et Aaron, son seul ami, marié à une autre. Faye Dunaway est assez extraordinaire dans ce film dont elle est le centre absolu. Bien que Jerry Schwatzberg soit un ancien photographe de mode, bien que film traite de la relation entre un photographe et un mannequin, l’histoire parle très peu de mode mais plutôt de la chute d’une femme trop belle, n’existant que part son apparence, seule, fragile, en prise avec ses démons intérieurs.
Les marques de boissons occupant pas mal de plages privatisées durant le festival, après le film « Portrait d’une enfant déchue », le distributeur Carlotta invitait à une soirée sur la Terrazza Martini (plage du Gray d’Albion), mais Faye Dunaway, sans doute lassée par les reprises du film imputables au son défectueux lors de la projection (elle a fini par s’en aller) n’est pas là. Puis je me laisse convaincre d’aller faire un saut à la soirée Schwepses quotidienne (plage du Carlton), beaucoup plus animée, le tout engendre ensuite une demi-heure de marche à une heure du matin depuis le Carlton jusqu’au fin fond du vieux port, bien après le Radisson…
« We need to talk about Kevin »  de Lynne Ramsay

  
photo Diaphana   / sortie 28 septembre 2011

Pitch.
Une femme d’une quarantaine d’années, devenue paria de la société après une tragédie, se souvient des années qui ont précédé le drame, l’emprisonnement de son fils de 16 ans. Se rend compte qu’au fond, elle n’a jamais pu le supporter et cela depuis sa naissance.

Il y a souvent des films auquels on reproche leur absence de mise en scène, ici, c’est le contraire, le film souffre d’un excès de mise en scène : notamment, l’utilisation du rouge, de la première à la dernière image, même la peluche de la fillette est rouge. Eva, New-yorkaise énergique, désirait tellement un enfant, et on suppose que c’est depuis longtemps, quand elle est enceinte, c’est le bonheur absolu pour elle et son mari ; mais, très vite, Eva a du mal à supporter son fils qui hurle plus que l’usage ne le voudrait. Scène très forte où elle préfère le bruit du marteau-piqueur aux cris de Kevin.
De scènes cauchemardées en flash-backs, on remonte au drame, un drame « à la Gus Vant Sant », comme je l’ai entendu par ci par là, faisant référence à « Elefant ». Mais la comparaison, de mon avis, s’arrête là. Pour marquer les époques, on a trois coiffures différentes pour Tilda Swinton, cheveux longs de la fiancée, cheveux noirs très courts de la mère, cheveux mi-longs chatains de la femme brisée. Le mari d’Eva, un homme bon, équilibré, s’occupe de Kevin, comme si de rien n’était, avec une constance touchante, qui, de son côté, multiplie les provocations adressées tacitement à sa mère. On le croit autiste, il est surdoué, hyperlucide, sans illusions. Les acteurs sont fabuleux de vérité, Tilda Swinton, parfaite, comme toujours, et John C. Reilly en contre-emploi d’une sensibilité discrète qu’on ne lui soupçonnait pas.C’est un film très dur, les relations entre Kevin, qu’on montre entre environ 3 et 16 ans, avec ses parents sont terribles. L’arrivée d’une petite soeur est encore pire, Kevin la démolit, c’est à pleurer. On dirait que toute personne qui vient s’interposer entre sa mère et lui est insupportable pour l’enfant Kevin. Il semble bien d’ailleurs que l’origine du drame soit le projet du père, n’en pouvant plus, de se séparer de son épouse et de se présenter comme le tenant naturel de la garde des deux enfants, une conversation qu’entend Kevin adolescent depuis le haut de l’escalier.

L’histoire est si forte que le parti pris ultra-démonstratif, effets, symboles, mise en scène ostentatoire, rouge sang, ne s’imposait pas…

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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