
« La femme au bout de la rue »/Avant-première/Festival du cinéma allemand

Départ du festival allemand mercredi soir à "L’Arlequin" avec le film "Les Amis d’Emma" en projection privée. Le lendemain, je me pointe toute frétillante ayant pu mesurer le renouveau du cinéma allemand au festival Paris-Cinéma en juillet avec sa section "Embellie du cinéma allemand", voir mes critiques de film sur"Le Bois lacté" et "L’Imposteur", deux films superbes du réalisateur Christoph Hochhaüsler, un vrai coup de coeur.
Premier film : "La Femme du bout de la rue", je vous le dis tout de suite, c’est une réussite. Second film "A Pas de loup" sur le destin amoureux de trois femmes que j’ai nettement moins aimé mais un film sur deux, c’est une bonne moyenne. Site officiel du festival, horaires de projection…
Il faut dire que langoisse de mal faire lui fait quelquefois perdre le sens des réalités : quand le hamster de Stefan, lenfant, meurt, Martina craint tellement sa réaction quelle le cache dans un tiroir enveloppé dans du papier Les plombiers sont tellement harcelants et obscènes avec elle quelle en arrive à casser les carreaux de la cuisine pour les mettre en échec
Cest alors que débarque un couple parfait, les Garbers avec une femme pieuvre qui est tout le contraire de Martina : le personnage dEvelyn est terrifiant et lactrice est magnifique. Evelyn Garbers est une jouisseuse, un sourire énorme lui fendant le visage en deux, elle entraîne Martina qui vit en battle et t.shirt, shabiller en «chaudasse» (comme dirait Virginie Despentes dans «Kings Kong théorie, un ouvrage à lire+++) : des jupes, des escarpins à talons aiguille, pire, elle lemmène de force à une réunion (savoureuse scène dhorreur) genre Tupperware où des femmes font des exhibitions en sous-vêtements vulgaires censés être sexy sous prétexte dacheter de la lingerie pour faire bander monsieur ou plus si affinités , lhôtesse de la réunion est immonde, une mère maquerelle qui vend du fantasme en nylon synthétique
Dentrée, Daniel Schneider, le mari de Martina, voit en Evelyn lépouse quil aurait dû choisir, les petites attentions, les services et les gestes damitié se multiplient : Daniel trouve un emploi de secrétaire à Evelyn dans la menuiserie où il travaille, les allers et retours entre les deux maisons sont incessants. En réalité, il sagit dune seule maison avec deux portes (les deux lots sont mur mitoyen) : les plans de la maison filmée un peu en hauteur depuis le terrain vague en face du pavillon, font froid dans le dos : lhorreur de la promiscuité et de lintimité obligatoire avec des gens quon ne connaissait pas la veille Ce lotissement de banlieue, posé sur une sorte de terrain vague, le tout en chantier qui renvoie limage dun lotissement qui ne sera jamais terminé avec le bruit des machines toute la journée, est admirablement bien saisi par la caméra : un lieu lugubrisssime où va venir se greffer un enfer : les autres
La réalisatrice Claudia Garde la joue finement car elle ne prend pas parti : tour à tour, elle met Martina ou Evelyn en avant pour que le spectateur se fasse une opinion, bien quon serait tenté de penser que le message est que la plus folle des deux est peut-être ce monstre de normalité dEvelyn Acculée par cette normalité où elle narrive pas à se fondre, Martina va en arriver à des solutions extrêmes pour calmer son angoisse dêtre démasquée comme celle qui narrive pas à joue le jeu social
Un film quatre étoiles, très abouti et réussi, qui ma fait penser au premier film de Christoph Hochhaüsler "Le Bois lacté" sagissant du thème de la femme impuissante à sintégrer dans le moule conjugal et sociétal, bien que les façons de filmer soient différentes : ici, nul esthétisme ou dépouillement mais une caméra au plus près du réel, un cinéma très naturel qui touche comme dans la vie, ce qui est assez exceptionnel, une manière de filmer dont pourraient bien sinspirer les réalisateurs français comme lanti-exemple Zabou qui vient de faire exactement linverse avec un indigeste cocktail deffets empilés comme un millefeuille dans «LHomme de sa vie». (Il vaut mieux dix fois aller voir cette femme de la middle class allemande au bout de la rue et que celle bobo française dans le Lubéron…)
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