Collateral : la solitude du tueur à gages

Michael Mann, 2003

Pitch

Un chauffeur de taxi embarque, sans le savoir, un tueur à gages. La nuit sera longue…

Notes

Quand Tom Cruise accepte d’interpréter un tueur à gages dans Collatéral, sait-il que ce sera son dernier film d’auteur? Auteur, on peut le dire de Michel Mann qui avait auparavant acquis ses titres de noblesses avec Heat, DeNiro, Al Pacino, parmi les meilleurs acteurs américains, devenus des icônes, respectés de la profession, des cinéphiles. Mais pas exactement des superstars comme Tom Cruise dont la notoriété a longtemps fait écran au talent. Car Cruise est un acteur largement sous-estimé. Un peu comme Marilyn, la star, le personnage, a éclipsé le grand comédien.

On peut classer ce film dans les actions movies de grands réalisateurs, d’instinct, on pense à To live and Die in LA de Friedkin alors qu’on pourrait pencher également vers Le Samouraï de Melville. Point commun d’entrée, profession tueur à gages, machine à tuer sans état d’âme que celui de réussir son contrat. Des tueurs payés pour exécuter des cibles jamais rencontrées, un job, dira Cruise.

Mais le film, s’il met en scène trois personnages, Max (Jamie Foxx), le chauffeur de taxi, Vincent (Tom Cruise), le tueur à gages et LA mon amour, la ville géante, survoltée et mécanisée, chère au réalisateur, livre une histoire dont la fin se doit d’être morale, on est aux US… Ce qui amène des complications et des bizarreries de scénario.

Un taxi fait marche arrière à l’aéroport pour le plaisir de conduire une jolie cliente, ils bavardent, il lui raconte son rêve de monter une entreprise de limousines VIP, elle est procureur et doit passer la nuit sur ses dossiers. Elle lui donne sa carte, il n’osera pas l’appeler.

Le client suivant est un drôle de type gris, cheveux, costume, regard froid. Il propose à Max de l’accompagner pour l’attendre lors de cinq visites qu’il doit effectuer durant la nuit. Max hésite. Le client lui dit qu’aussitôt arrive à LA, il a hâte d’en partir, qu’ici, un type peut mourir dans le métro et personne ne s’en souciera avant 24h… Phrase prémonitoire… La première visite se passe mal, un type tombe sur le toit du taxi, par la fenêtre mais troué de balles. Max comprend. On nettoie le toit du taxi et on continue… 

C’est là où le récit devient incohérent : pourquoi Vincent ne change-t-il pas de taxi? Rapidement repéré par la police d’ailleurs. Pourquoi a-t-il cette indulgence pour Max qu’il bouscule mais qui va, in fine, nuire à son job? Notamment, quand il se rebiffe en jetant son vanity case depuis un pont, lui faisait perdre ainsi ses infos. Ce qui obligera Max à se faire passer pour Vincent auprès du commanditaire. Là, ce n’est plus du tout crédible. 

En revanche, les scènes d’action sont étincelantes, immergées dans cette ville fleuve d’indifférence, de plaisirs, de néons et de lumières, la nuit, tout se passe la nuit. La scène apocalyptique dans une boîte de nuit immense et bondée où Cruise/Vincent avance sous les tirs croisés abattre sa cible, est sûrement la plus choc, Vincent dézinguant au passage les gêneurs, flics ou truands, un à un, regard bestial, féroce, hanté par sa mission et une rage dans on ne saura rien. Ici, pas de torse nu pour Cruise mais cette arme (phallique par excellence), qu’il manie comme un pro, et cette arme morale qu’est l’absence de peur et de scrupules.

Et aussi

Faut-il voir dans ce film l’histoire du choc de deux solitudes? Max dont la mère voudrait qu’il soit ce business man qu’il ne sera jamais. Vincent dont personne n’attend rien, excepté de tuer pour de l’argent. Au milieu du film, les rapports de force s’inversent. Max prend moralement le dessus, Vincent, philosophe, fataliste et lucide, se laissant aller au bavardage, veut néanmoins finir le job même au prix d’en finir tout court. 

Quand on pense tueur à gages, on pense le Samouraï et Cruise, se révélant ici plus comédien qu’acteur, n’a pas, sous le masque de l’impassibilité, le regard mat et indéchiffrable de Delon, cette fêlure imperceptible, cette mélancolie sourde, ce mutisme émouvant. Delon a souvent fait la différence entre acteur* (être, comme lui, Ventura, Gabin, arrivés au cinéma par hasard) ou comédien (jouer comme Belmondo, issu de la bourgeoisie, qui avait eu les moyens de prendre des cours au Conservatoire). À moins que ce tueur se révélant d’une brutalité sauvage, bien qu’hyper civilisé, durant les pauses, ne ressemble également un peu à Cruise/Vincent comme Delon à Jeff Costello.

Collateral

Collateral

Collateral (Jamie Foxx)

* Tom Cruise, jeune, n’avait pas non plus les moyens se s’offrir des cours de théâtre, il a appris sur le tas, autodidacte. Alain Delon a dit tardivement dans des interviews que s’il n’avait pas fait du cinéma par hasard, il serait devenu un voyou. Tom Cruise s’était donné dix ans pour réussir, entre petits boulots et petits rôles, en deux ans, il était devenu une star internationale ; comme Delon, qui a avoué ne se sentir exister, à ses débuts, que devant une camera, Cruise, adolescent, avait découvert qu’il se ne sentait bien que sur la scène de son collège. Il y a certainement des points communs entre ces deux acteurs, outre leur regard bleu, magnétique, atout majeur, qui a fait, chavirer bien des fans, des femmes, peut-être la solitude interne… Celle d’un tueur à gages…

Références :

Heat (Mann, 1995)

To live and Die in LA (Friedkin, 1985)

Le Samouraï (Melville, 1967)

 

 

 

 

 

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Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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