« A second chance » : la force des préjugés

focus film Suzanne Bier, sortie le 13 janvier 2015

Pitch

Un jeune inspecteur de police, père d'un nouveau-né, est appelé dans un squat où un ancien repris de justice et sa compagne se disputent, il y découvre au passage un bébé du même âge caché dans un placard...

Notes

C’est un film très dur au premier degré. C’est un film intelligent qui fait réfléchir sur le poids des préjugés et l’impossible réinsertion.

Quand Tristan, un repris de justice drogué et crade et violent, connu pour tabasser ses compagnes, a un enfant avec sa compagne, une prostituée plus ou junkie (il se pique, il la pique de force), que, par ailleurs, ce pauvre bébé est tout sale et affamé dans un placard, semblant abandonné à son sort, cela ne joue pas en leur faveur. La police appelée par leurs voisins, à cause d’une dispute bruyante de trop, un jeune inspecteur, Andreas, dépêché sur les lieux, ayant lui-même un nourrisson du même âge, est révolté, il lave l’enfant, le nourrit. D’autant qu’il connait ce type, Andreas, qu’il a lui-meme arrêté et fait mettre en prison quelques années auparavant.

D’entrée, deux univers, la maison confortable, lisse et claire, donnant sur le lac apaisé, d’Andreas et son épouse, Anna ; l’appartement squat, encombré et sale, dans un lugubre quartier de briques rouges, de Tristan et sa compagne, Sanne.

Pourtant, la première image nous montre que tout n’est pas si simple : une femme jolie et chic roulée en boule dans sa salle de bains, en souffrance, c’est Anna. Plus tard, de temps en temps, quelques phrases ou situations, brossées, mine de rien : lors d’une conversation, Andreas essaye de faire comprendre à Anna que cette naissance est plus dure à gérer qu’ils ne l’auraient pensé, il lui rappelle que quand il l’a rencontrée, son plus cher désir était d’avoir un enfant. Mais toutes les nuits, ces cris stridents de leur bébé, Alexander, les fait se lever l’un et l’autre tour à tour pour le calmer. Anna est à cran, Andréas la ménage, le couple est fatigué.

photos KMBO distribtion

photos KMBO distribtion

Mais une nuit, le bébé Alexander ne crie plus, Anna refuse l’évidence, menace qu’elle se suicidera si on lui enlève son bébé. Désespéré, Andreas va commettre l’impensable, voler en pleine nuit, le bébé du couple junkie et le remplacer par le leur… Car dans l’esprit d’Andréa, cédant à la panique, ne réagissant qu’à l’urgence de gommer le drame par n’importe quel moyen, se profile la certitude insensée qu’il fait en même temps une bonne action en s’occupant de l’enfant de Tristan qu’il estime maltraité. Ainsi, il espère consoler la fragile Anna avec cet enfant de remplacement.

Un personnage secondaire, déglingué par la vie, va occuper une place centrale dans cette histoire, Simon, le flic partenaire d’Andreas, devenu alcoolique depuis son divorce, demeurant pourtant le meilleur ami. Souvent en détresse, c’est Andreas qui le ramasse dans les bars, mais, cette fois-ci, c’est Simon que ce dernier appelle au secours.

 

 

 

 

Et aussi

[caption id="attachment_13154" align="aligncenter" width="385"]photos KMBO distribution photos KMBO distribution[/caption]   Le film est traité comme un thriller bien qu'il s'agisse d'une réflexion sociale et sociétale choc et cruelle où la réalisatrice va très loin afin de déranger le spectateur et l'interpeller : Sanne, la compagne de Tristan, dira un jour à Andreas "Je sais bien que la société considère que des gens comme nous ne doivent pas avoir d'enfants..." Au delà de la question de l'impossible réinsertion de Tristan, resté d'ailleurs un voyou amoral, n'hésitant pas à balancer sa compagne pour ne pas retourner en prison, on se rend compte que ce triste individu aimait son enfant à sa manière brutale et irresponsable. Car Sanne, la mère de l'enfant kidnappé, incapable de le laver et le nourrir correctement, soumise aux violences de son homme, a néanmoins reconnu tout de suite que ce bébé n'était pas le sien, ce qui pose question sur l'instinct maternel originel. Faut-il être une bonne mère dans un environnement cossu, au dessus de tout soupçon, pour posséder l'instinct maternel? Et, plus, loin, y aurait-il ceux qui méritent un enfant et ceux qui ne le méritent pas? Plus loin encore, les gens sont-ils ce qu'ils affichent? Qui sommes-nous pour juger du bien et du mal? Du thriller au conte moral, Suzanne Bier a frappé fort, la salle de projection était plongée dans un silence de mort...  

Notre note

4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

Mots clés: , , ,

Partager l'article

Lire aussi

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top