« Carré blanc » : la femme est l’avenir de l’ours

Jean-Baptiste Leonetti, sortie 7 septembre 2011

Pitch

Après le suicide de sa mère, un orphelin est éduqué dans un internat où on le conditionne à devenir un monstre ordinaire dans une société futuriste où les faibles sont éliminés. Il y rencontre une orpheline, sa future épouse.


Ce film est déroutant à tous points de vue, le style, l’histoire, son insertion dans un univers futuriste  flou, proche du notre où il suffirait d’être un peu plus cynique et résigné pour que ce soit le miroir de notre société actuelle. Une société où les plus faibles sont éliminés, tués, dévorés. Le début du film montre le travail de la mère de Philippe, enfant, dans une usine où on transforme les cadavres des gens qui ne faisaient pas l’affaire en steaks. Avec en prologue, un sujet qui semble hanter le réalisateur (son premier film s’appelait « Le Pays des ours ») : la parabole de l’ours, la mère ours qui se sacrifie pour aguerrir son ourson, qu’il devienne plus solide que les plus cruels. C’est ce que va faire la mère de Philippe en se jetant par la fenêtre après avoir dit à l’enfant « tu vas apprendre à faire semblant ». Un suicide utile, un geste d’amour pour sauver son fils, pas un geste désespéré.
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photo Distrib Films

Philippe enfant est recueilli dans un orphelinat où on élève des futur monstres avec des méthodes sadiques basées sur l’élimination des plus faibles. Un jour qu’il tente de se pendre, il est sauvé par Marie. 20 ans plus tard, ils sont mariés, Philippe applique les mêmes tests odieux aux employés d’une compagnie que ceux qu’on lui a appris, indifférent à tout sauf à Marie mais pas encore assez pour accepter d’être lucide. Marie, plongée dans la dépression, essayera tout au long du film, par tous les moyens, mêmes les plus extrêmes (recopiant en cela le geste initial de la mère) de sauver Philippe de la monstruosité, du monstre froid qu’il est devenu sans s’en rendre compte. Une scène alerte inconsciemment Philippe qu’il lui reste un point vulnérable, un coeur résiduel (à la fois faiblesse et force), la révolte de quatre employés qui veulent s’en prendre à lui et à Marie, ils sont sauvés par le gardien du parking qui sourit mécaniquement par obligation pendant ses heures de travail.

photo Distrib Films


Le film utilise les codes du décor d’anticipation standard, un univers gris/vert, dépouillé, claustrophobique, des murs nus, des sous-sols, des barres d’immeubles, des habitants absents, des messages diffusés par haut-parleurs, un monde mécanique, des humains automatisés, la quasi-absence d’émotions. Dans cette ambiance livide, la femme comme seul espoir, la mère ours, la mère de Philippe, Marie, toutes vont tenter de sauver l’ourson, l’enfant, l’homme qu’elles aiment, les premières de la violence meurtrière des autres, la dernière de sa propre violence apprise par conditionnement à l’orphelinat. Le film montre des scènes très dures mais sobres où on demande au premier de tuer le second en le frappant à mort car des deux il ne restera que le plus fort. La démonstration qu’on ne peut survivre qu’en tuant plus faible que soi tout en étant sauvé de la totale deshumanisation par sa part féminine représentée ici par l’amour d’une femme, est assez tirée par les cheveux. Que veut dire l’auteur? Que dans la société la plus impitoyable, il demeure encore la possibilité de l’amour? Sans doute…
photo Distrib Films


Interprété par Sami Bouajila et Julie Gayet, on a affaire à un film d’anticipation symbolique, plus sentimental qu’il n’y paraît, où, visiblement, comme le synopsis du film précédent (« Le Pays des ours », 2004, que je n’ai pas vu) porte à le croire, le genre choisi ici est prétexte à parler du désert affectif qui peut s’installer dans un couple avec une porte de sortie lointaine, une issue possible en retrouvant la capacité d’aimer. Mais ce n’est pas un film facile, glacé, dépressif, peu bavard, pavé de symboles, de répétitions, sans ancrage dans une réalité qui demeure très vague (esquisse de décor, compagnie fantômatique où travaille Philippe, personnage flottant de Marie, sans insertion sociale que d’être l’épouse), il faut décoder.



Notre note

3 out of 5 stars (3 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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