« Detachment » : le cercle des clichés disparus

Tony Kaye, sortie 1er février 2012

Pitch

Un professeur intérimaire, recruté pour un temps court dans un lycée difficile du Queens, une banlieue de New York, va se retrouver dans la souffrance et les manques affectifs des élèves, lacunes qu'il trimballe lui-même depuis l'enfance.

Insupportablement misérabiliste, cliché et racoleur. C’est ce qui vient à l’esprit en voyant ce film. Néanmoins, il y a certaines choses justes et parfois un ton et surtout un beau casting intelligent avec notamment la magnifique Christina Hendricks. Un prof jeune, beau et désenchanté,

Henry Barthes, est recruté comme intérimaire dans une banlieue crade et triste. Passée une pluie d’insultes de la part des élèves, bien qu’il soit muré dans une sorte de détachement pour se protéger de la réalité de sa vie, il tombe en empathie avec son entourage, étant lui-même un ancien enfant élevé sans amour, son père absent, sa mère suicidée, son grand-père taré à l’hospice. Henry recueille Erica, une jeune prostituée, rencontrée dans un bus, et essaye d’intéresser les élèves à son cours d’anglais. L’adolescente, montrée au départ en bas résille noirs et corps balafré de coups, ne parlant que fellation et dollars, devient rapidement dans l’appart d’Henry une petite bonne femme aimante qui fait la cuisine mais ça ne peut pas durer.

——

 


photo Pretty Pictures

En deux mots…


Misérabilisme complaisant qui n’en a jamais assez aligné :

La pute de 12 ans (Hello! Jodie Foster dans « Taxi driver »!) orpheline, violée et séropositive, l’élève obèse de la classe qui se suicide, le massacre ignoble d’un animal, la mère alcoolique autrefois abusée par son père, le corps de top model (mince, bronzé) de la mère nue et suicidée dans les toilettes, le gamin à qui cette mère disait de fermer sa chambre à clé la nuit, les vieillards nus sans secours la nuit dans la maison de retraite, les enseignants maltraités pour qui, rentrés chez eux, la famille c’est pire qu’au lycée où c’était déjà l’enfer…

Cliché du prof salvateur en zone sensible :

« Le Cercle des poètes disparus »a la vie longue : Henry, professeur charismatique débarquant dans un lycée où ses prédécesseurs ont échoué, va apprendre la poésie désespérée de la vie à ses élèves, le film se termine sur la lecture de « La Chute de la maison Usher » d’Edgard Poe. Version trash du film précédent : les élèves s’expriment par insultes, puis, confessent leur manque d’amour. Et si Henry comprend les élèves c’est qu’enfant, il était leur jumeau (d’ailleurs les élèves comprennent aussi Henry…)


La mise en scène voyante et lourde genre « Hey man! tu l’as vu ma mise en scène »?
On démarre sur des témoignages face caméra des enseignants filmés en noir et blanc, on revient jusqu’à la nausée sur les flash-backs rougis (image atroce trempée dans le rouge) de la mère fantomatique d’Henry tenant un verre d’alcool et lui enfant dans les années 70, on revient au noir et blanc quand l’élève Meredith, la grosse de la classe à qui son père ne préconise qu’une solution de bonheur, perdre du poids, prend des photos. Les images d’Henry se confessant face écran sont jaunes, il n’a rien de particulier à dire qu’il ne peut dire déjà en voix off mais, là aussi, les images du bilan d’Henry sont récurrentes. Les dessins, de temps en temps, l’image à peu près classique devient un dessin, une sorte de BD avec des trucs qui s’effondrent, un magnéto qui tourne. Le pire, un zoom sur le « gateau fatal »… (là, je stoppe car je spoile…). Il y en a jamais assez dans le point sur le i qu’on en peut remettre 10, 20 fois de suite des points sur ce i…

Ce qui est bien vu mais noyé d’effets et de pathos :

Le constat de l’échec du système éducatif : les élèves s’ennuient à mourir, dépossédés de centres d’intérêt autres que le star-system et le modèle consumériste, ignorent le respect pour les aînés, menacent les profs, mais aujourd’hui, les parents d’élèves s’en prennent aussi aux profs, ça leur évite de se remettre, eux, en question. Pas faux le référentiel actuel, l’élève que rien n’intéresse s’imagine après le lycée en top model ou en chanteuse de groupe pop. Pas faux la société de consommation : parle d' »holocauste commercial », un peu outré comme expression comme tout le film, d’ailleurs, mais pas inexact.On l’aura compris, le film va diviser, aux projections pour cinébloggers, il y a eu autant de rejets que de témoignages d’empathie pour le film. Et vous?

 


photo Pretty Pictures

 


 

Casting : Adrien Brody (Henry), Marcia Gay Harden (la directrice du lycée), Christina Hendricks (un prof plus ou moins paumé), Lucy Liu (la conseillère pédagogique), James Caan (le prof psy). Le retour du réalisateur Tony Kaye, auteur du « léger » « American history X » en 1998, perdu de vue depuis, dont on retrouve la trace

en 2006 avec « Lake of fire », doc sur l’avortement ; il a tourné un autre film en 2010 pas encore sorti en France : « Black water transit » sur l’environnement.En compétion au 37° festival du film américain de Deauville, « Detachment » a obtenu deux prix (Critique internationale et Révélation) mais cédé sa place (à juste titre!) pour le Grand Prix au puissant (et, lui, profondément tragique) « Take shelter » de Jeff Nichols sorti cette semaine (4 janvier 2012).


 


 

Tony Kaye au festival du 37° film américain de Deauville en septembre 2011 

Notre note

2 out of 5 stars (2 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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