"In a lonely place" ("Le Violent") : déclaration en noir

Nicholas Ray, 1950
Second film de Nicholas Ray avec Gloria Grahame, quil a épousée après le tournage de « A Woman secret », qui tient ici le premier rôle féminin face à Humphrey Bogart ; lui, aurait sans doute préféré Lauren Bacall mais elle est en tournage ailleurs. Film dautant plus intéressant avec ce casting-là que dans leur vie privée, Nicholas Ray fait preuve de violence conjugale envers sa femme Gloria Grahame, brève union, ils divorceront peu après le film. Car « In a lonely place » (« Le Violent ») met en scène un héros qui perd le contrôle, un homme sujet à de subites crises de violence, un révolté chronique qui pourrait bien devenir sous le coup de la rage un assassin malgré lui.Dixon Steele, scénariste autrefois célébré à Hollywood, est un écrivain sur la touche, faute de se plier au système de formatage des studios, solitaire, ombrageux, révolté et violent, abonné aux rixes. Un soir quil se laisse convaincre dans une boite de nuit par son agent de lire un roman dont on lui propose décrire le scénario, il recrute la jeune femme du vestiaire pour le faire à sa place. Parce que la jeune femme a passé sa soirée au vestiaire, captivée par ce roman à leau de rose, Dixon Steele lui demande alors dannuler son rendez-vous avec son amoureux pour le suivre et lui en faire un résumé. Flattée dêtre intégrée à un projet de cinéma Hollywoodien, l’ingénue accepte cette situation ambiguë. Le lendemain matin à laube, la police vient chercher Dixon Steele quon soupçonne, à cause de ses antécédents, de lassassinat de la jeune femme retrouvée morte par strangulation à peu près à lheure où il affirme quelle est partie de chez lui. Hors, Lauren Gray, une blonde voisine toute neuve a croisé Dixon Steele et la jeune fille quand ils arrivaient ensemble dans leur résidence. Convoquée également au commissariat, la voisine affirme avoir aussi vu la jeune fille repartir seule, elle en est sûre parce quelle observait ensuite cet homme dont le visage lui plaît tant.

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Gloria Grahame et Humphrey Bogart

Après cette déclaration si directe faite devant lui, Dixon Steele va voir sa vie transformée du jour au lendemain par son histoire damour passionnée avec Lauren. Métamorphose de lécrivain devenu bourreau de travail discipliné à écrire son scénario et gentleman multipliant les gestes attentionnés pour cette femme aimée quil veut épouser trop vite. Brève accalmie car la colère de Dixon Steele va refaire surface et avec elle la jalousie. Sur le point de tuer un automobiliste avec qui il a une algarade une nuit sur la route, Lauren len empêche in extremis. La première scène du film définissait le personnage de Dixon Steele par une bagarre de ce genre en voiture où l’autre conducteur séchappait. A partir de ce moment de vérité, Lauren se met à avoir peur de Dixon Steele quelle aime toujours, elle prend des somnifères en cachette, elle ment, elle louvoie ce qui va aggraver les choses. Nosant pas répondre non à la demande en mariage de Dixon, Lauren tente d’organiser sa fuite.
 


Ce film fait penser à un autre film (ultérieur mais je lai vu avant) de Nicholas Ray « Bigger than life » (Derrière le miroir »,1956) mettant en scène un homme (Dick Bogarde) perdant le contrôle à cause dune maladie soignée à la cortisone, médicament agissant comme un détonateur qui fait exploser la façade du rêve américain aseptisé des années 50. Ici, cest à peu près le même thème, un homme révolté, broyé par le système des studios Hollywoodiens, perd les pédales au point dêtre capable dun meurtre. Témoin de cette démolition totale par la politique du seul profit des studios, le personnage du Tragédien, devenue un alcoolique sénile qui déclame des tirades dun art qui nintéresse plus personne et dont le seul ami est Dixon Steele. Ce film dinspiration doublement autobiographique, la révolte artistique de Ray et son mariage agonisant avec Gloria Grahame, est extrêmement touchant, comme un cadeau dadieu*** à sa femme quil sauve de ses démons dans un faux happy end plus triste que la mort.
 

*** « I was born when she kissed me. I died when she left me. I lived a few weeks while she loved me. » (extrait du film et du scénario écrit par Dixie qu’il faire lire à Lauren)

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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