Lectures d’été 2009, notes 2

Comme disait Philippe Noiret dans « Coup de torchon », ici, on a tellement le temps de lire qu’on ne lit pas… Cet interminable mois d’aout à Paris m’ayant anesthésiée, après les notes de lecture 1 de juillet, livres lus au rythme enthousiaste d’une quinzaine de vacances, la maigre moisson d’aout… Mais la rentrée littéraire (environ 600 nouveautés) a déjà debuté et j’ai fait quelques provisions de septembre…

« Un Roman français » de Frédéric Beigbeder 



Sa mère l’a appelé Frédéric comme le héros de « L’Education sentimentale » qui est un taré, c’est lui qui l’écrit, Frédéric Beigbeder ne veut plus être Octave, son Gainsbarre à lui, sa volonté après son arrestation médiatisée l’année dernière pour consommation de cocaïne sur le capot d’une voiture : écrire un livre sincère, cette autobiographie qu’il a toujours évité d’écrire et pour cause : de son enfance, il n’a aucun souvenir… D’ailleurs, il dit n’avoir jamais écrit que des histoires d’hommes sans passé, qu’il aurait sans doute perdu la mémoire, nié sa personnalité pour être aimé, pour séduire, devenir « celui que les autres choisissent ». Un stimulus de cette enfance oubliée l’y aide : son frère parfait auquel il opposera son imperfection, d’autant que physiquement, durant leur adolescence l’un séduit et l’autre pas…
Traumatisé par deux jours de garde à vue, la mémoire revient par flashes à Frédéric en proie à des crises de claustrophobie. Il conviendra lui-même qu’il ne lui était jamais rien arrivé de grave auparavant et c’est vrai qu’on est assez sidéré de constater à quel point certaines existences sont (apparemment) préservées. Rien de grave mais une enfance avec une mère qui laisse entendre que leur père les a quitté quand des années plus tard, il apprend que le départ de son père rime avec sa mère tombée amoureuse de son meilleur ami… Une enfance en dents de scie de l’opulence aux restrictions, ça va, ça vient, de sa haute bourgeoise native, plus tard semi-ruinée, il a conservé ce sentiment à la fois d’élite et de complexe, il dit que rien n’est pire que le « déclassement »…

Touchant et vrai dans la première partie, on crierait presque au chef d’oeuvre, le sentimentalisme angélique vient parasiter la seconde quand FB s’attaque aux rapports idéalisés avec sa fille, sa fiancée. En fait,

quand FB aborde son présent en essayant de ne pas tricher, l’émotion fait place à la mièvrerie, on le sent mal à l’aise, a-t-il déjà oublié qu’il a écrit ce livre pour se souvenir…  Ecriture très pro, vivant, humour, un peu trop de citations et de marques malgré la volonté d’élaguer, chassez le naturel… Non, FB n’a pas écrit le grand roman de la rentrée, seulement la première partie d’un grand roman, s’autorisant à être un lui-même qu’il avait perdu du vue. 

« Dream or die » de Zem 


J’ai retrouvé dans ma bibliothèque un très vieux livre… paru en 2007… « Dream or die » de Zem, un livre qui vaut le détour et pas seulement pour le récit autobiographique où la réalité dépasse largement la fiction.
—–
Né en Israël, élevé à Paris, sa famille émigre aux USA pour des raisons troubles : Zem a 12 ans quand son père est assassiné par un tueur à gages dans leur villa de Miami. Plus tard la même année, son oncle préféré, qui l’avait récueilli à Paris, est abattu en bas de chez lui en promenant ses chiens. Auparavant, l’enfant Zem a vu sa mère rouée de coups tous les soirs par son père, une mère alcoolique et nymphomane qui l’appelait dans son lit après que des inconnus en soient sortis. Le père craint et aimé voulait que son fils soit un caïd comme lui, le mettant à l’épreuve souvent cruellement. Après le départ de leur mère, puis la mort de leur père et de leur oncle, Zem vit quelques années dans une résidence de luxe de Miami avec sa soeur et son frère aîné, mais cette famille résiduelle se délite, son frère en prison, sa soeur versée dans la cocaïne. A 15 ans, Zem, accro au crack, traîne pendant des années dans les quartiers chauds de Miami, se procurant l’argent de la drogue souvent par des cambriolages, il passera d’ailleurs près de 7 ans en prison. Mais une seule chose le sauvera qui l’appelera pendant toutes ces années de galère et dont il a fait aujourd’hui son métier : la musique.

Zem est le fils cadet d’un des frères du clan Zemmour, bande maffieuse dont le film « Le Grand pardon » raconte l’histoire de manière romancée. L’auteur a un style simple mais précis, sobre, vivant, et surtout sans pathos pour raconter une histoire tragique.

 


« Moisson rouge » de Dashiell Hammet 


Sacré rédactionnel côté critiques de livres pour annoncer cette nouvelle traduction du premier roman de Dashiell Hammet « Moisson rouge » qui retrouve son lustre avec le référentiel de l’époque où la tyrannie du politiquement correct ne sévissait pas comme aujourd »hui.
Le personnage du privé porté sur la boisson prend la place du flic parfait, les héros sont désabusés, les femmes vénales, la corruption omniprésente, un univers de losers et de traitres où l’argent fait la loi. Un privé arrive à Poisonville pour mettre de l’ordre à la demande du fils Willson. Le soir de son arrivée, tandis qu’il attend son client au domicile de sa femme, celui-ci est abattu en ville tandis qu’il sortait de chez sa maîtresse à qui il venait de donner un gros chèque. Appelée au téléphone dans la nuit, l’épouse, arrivée précipitamment sur les lieux du crime, est soupçonnée du meurtre. Mais le maître de cette cité minière laide et ennuyeuse n’est pas le fils mais le père Willson, vieillard odieux et tyrannique qui possède presque toute la ville et ne voudrait la nettoyer que si ça sert ses intérêts. Ce n’est pas l’avis du privé qui estime qu’il a été payé pour faire le ménage, que ça plaise ou non au vieux Wilson.

Ce livre marque le départ du roman noir (hard-boiled aux USA, ce qui veut dire dur à cuire), le suivant sera adapté au cinéma pour devenir un des films noirs les plus cultes « Le Faucon maltais ». Ecriture clinique, absence de compassion, petites phrases denses, le livre invente un style noir et cynique qui va faire école.

 

« Skin » de Mo Hayder 


Je m’apprêtais à lire « Tokyo » en livre de poche, le premier succès de Mo Hayder, quand « Skin » est arrivé par la poste… Je ne lirai pas « Tokyo », j’ai peiné à finir « Skin », déception pour une écrivaine qu’on présente comme la nouvelle reine du polar.
Comme cela devient de plus en plus fréquent, on alterne les chapitres avec une fois un personnage une fois un autre et la troisième fois les pensées du psychopathe… Un jeu de ping-pong un peu lassant quand ça fait le nième livre construit ainsi… D’un côté une femme lieutenant de police qui décrit ses journées surbookées comme un rapport de gendarmerie, le luxe des mille détails genre où elle a trouvé son canif pour etc… assomme… Mieux, les chapitres sur le flic qui ne s’intéresse pas à l’enquête qui intéresse tout le monde sur la disparition de la femme d’un footballeur star mais à des touffes de cheveux qui manquent sur certains cadavres à la morgue. Naturellement, ce que le second regarde toute suite chez la première, ce sont ses seins… Ne manquait plus qu’une love affair entre les deux flics…

Un livre laborieux, sans style, un choix de crimes jamais assez sadiques censés compenser l’atonie des personnages qui ont l’air de fiches ultra-documentées sur des personnages, ne prenant jamais vie. C’est mou, Mo…

Mots clés: , , , , , , , ,

Partager l'article

Lire aussi

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top