« Martha Marcy May Marlene » : l’impossible retour

UCR/Cannes2011, Sean Durkin, sortie 29 février 2012

Pitch

Hantée par des souvenirs traumatiques qui la rendent paranoïaque, une jeune fille tente de se reconstruire auprès de sa famille après s'être échappé d'une secte où elle a passé deux ans.

Un Certain Regard/CANNES2011
« Martha Marcy May Marlene », film nominé 5 fois à Cannes dans UCR avait déjà été présenté au festival de Sundance avant d’être sélectionné au 64° festival de Cannes, ce qui est un fait très rare. Vu en séance de rattrappage au cinéma Reflet Médicis à Paris qui programme l’ensemble de la section UCR durant la semaine qui suit le festival de Cannes, la salle était muette, captivée, tout au long de la projection.

 

——

C’est un film très fort, épuré, transmettant parfaitement la paranoïa de son héroïne au spectateur avec une intensité qui va crescendo, insérée dans le canevas d’un thriller : jusqu’où est allée Martha pour en arriver à s’échapper d’une secte où elle a passé deux ans coupée du monde? Que s’est-il passé dans cette ferme où elle partageait la vie d’une communauté pour qu’un matin elle ne supporte plus ce qu’elle supportait apparemment facilement depuis deux ans? Téléphonant à Lucy, sa soeur aînée, qui la croyait disparue, sans nouvelles, cette dernière se précipite la chercher en voiture au fin fond de l’Etat de NY, ne lui pose pas de questions et la ramène chez elle et son mari. Jeune mariée, Lucy a épousé un entrepreneur brillant, surmené, avec qui elle passe quinze jours de vacances dans une maison au bord d’un lac. L’arrivée de Martha est immédiatement une épreuve pour le couple qui ne s’explique par son comportement atypique. Car Martha est incapable de raconter à sa soeur ce qu’elle a vécu à qui elle laisse croire qu’elle a rompu avec un ami qui la trompait… 

 
photo Fox
Par des habiles allers et retours, voire superpositions entre présent chez sa soeur et passé récent dans la secte, Martha est hantée par ses souvenirs jusqu’à faire la confusion entre hier et aujourd’hui. Téléphonant un jour à la ferme, n’y résistant pas, Martha se prend à craindre que la communauté la pourchasse alors que c’est elle qui leur a téléphoné, que c’est sans doute son emprise sur elle et la tentation d’y retourner qu’elle craint. Malgré ses efforts, Martha est incapable de se réadapter à une vie normale, à l’image des soldats qui reviennent de la guerre, l’esprit empoisonné de souvenirs traumatiques.A petites doses, on montre au spectateur les souvenirs réels ou fantasmés de Martha, renommé Marcy May par le gourou de la secte, un certain Patrick. Chaque scène dans la secte est filmée dans un silence lourd surligné d’une musique angoissante, très faible au début mais dont le son va monter petit à petit. Les hommes qui dînent d’abord, les femmes ensuite. Les travaux ménagers harassants, les privations de nourriture. L’endoctrinement dans un charabia dont Martha répète parfois des phrases type « je suis mon seigneur et mon maître » comme un perroquet chez sa soeur et son beau-frère. Les séances sexuelles initiatiques de purification pour satisfaire le dit Patrick, homme qu’on présente d’abord comme quelconque, puis de plus en plus moralement ignoble. Les nouvelles jeunes femmes qui arrivent et prenent la place des précédentes, dont on dit à chacune qu’elle est la favorite. Etc…


photo Fox


On passe donc de Martha à Marcy May et inversement mais si jamais Martha n’intervient dans les souvenirs de Marcy May, le fantôme de Marcy May parasite le comportement de Martha chez sa soeur, elle se baigne nue, ne se lave pas, rentre dans la chambre du couple y dormir aussi… Bientôt, la soeur et le beau-frère vont craquer… Mais Martha est-elle jamais revenue mentalement de la secte? Ce sujet de l’endoctrinement et de l’impossible résinsertion d’un sujet sous influence a été rarement abordé au cinéma. L’angle pour traiter le sujet est proche de celui des films sur le retour des soldats de la guerre du Vietnam, d’Irak, qui psychologiquement n’en reviendront pas, cassés irréversiblement, « irrécupérables » malgré la bonne volonté de l’entourage qui ne peut pas les comprendre. 

Une mise en scène brillante et fluide, une atmosphère parano asphyxiante en étroite adéquation avec son sujet, dans le choix original d’un thriller intimiste cérébral, c’est le premier long-métrage parfaitement maîtrisé d’un réalisateur anglais, Sean Durkin, qui aurait sans doute mérité de recevoir la Caméra d’or à Cannes (attribuée cette année à « Las Acacias »). A noter la qualité de jeu d’Elisabeth Olsen, soeur des médiatiques jumelles Olsen, dans le rôle difficile de Martha.article du 29 mai 2011

 

Notre note

5 out of 5 stars (5 / 5)

Mots clés: , , , ,

Partager l'article

Lire aussi

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top