« The Joneses » (« La Famille Jones ») : vie à vendre

Derrik Borte, sortie 17 novembre 2010

Pitch

Une famille idéale s'installe dans une banlieue chic des USA, trop beaux, trop charmants, trop chic, il vont immédiatement faire des envieux chez leurs riches voisins qui désirent tout ce qu'ils possèdent : ça tombe bien, c'est justement leur travail, vendre...

 

Quand on a vu ce film en compétition au dernier festival de Deauville où la sélection était lugubre, c’était déjà un peu de vie, de rythme… mais pas seulement : le sujet de ce film est LE sujet de société par excellence ; traité sur un mode satirique, c’est un procès féroce de la société de consommation et du surendettement, très proche de la réalité mais grossi, caricaturé, surligné. Une comédie intelligente, hormis la fin trop correcte, pas crédible, dont le réalisateur a convenu en conférence de presse qu’il avait été obligé de la changer pour raisons de production/producteurs, ayant longtemps eu sous le coude « sa » fin dont il espère qu’on pourra la voir plus tard sur les bonus du DVD…  


photo UGC

La famille Jones, le père, la mère et leurs deux enfants adolescents, s’installe subitement dans une villa d’une banlieue chic façon « Desperate housewives ». Mais c’est une fausse famille, le film le dit tout de suite, une équipe commerciale de choc déguisée en famille idéale. Pourquoi? Pour vendre. Comment? En suscitant l’envie chez leurs voisins, en créant chez eux, comme le fait la pub, le désir obsédant de posséder la même chose qu’eux, et pour cela, il leur faut exhiber la marchandise : fringues de marque, voitures de luxe, équipements de golf, jeux vidéo, ordinateurs dernier cri, exquis plats surgelés lors d’une soirée. La famille Jones vend beaucoup plus que l’addition d’objets de consommation, elle vend « un mode de vie » idéal, matériellement parlant.
Dans le film, la boss (Lauren Hutton) appelle cela du « marketing furtif » ou encore « marketing secret » et ce n’est en rien une nouveauté. Ce genre de pub infiltrée existe déjà depuis longtemps dans les séries américaines où ce n’est en rien un hasard si Sarah Jessica Parker, étiquetée « icône de mode », porte des pompes Manolo Blahnik ou autre it-bag dans « Sex and the city ». Au passage, l’expression « Must have », employée depuis quelques années par les modeuses à propos d’un vêtement incontournable qu’il « faut avoir », est éloquente, voire perverse, vous clouant sur la croix de  l’impuissance toutes les semaines avec les photos de tous ces « Must have », portés par Chloë Sevigny ou autre clone de Paris Hilton, qu’il faudrait avoir si… on en avait les moyens… Car on peut observer au quotidien les mêmes méthodes que dans le film : l’utilisation des stars de cinéma et autres people, à qui les marques offrent, par exemple, une réédition d’un sac Balenciaga « en série limitée » (ou des bottes UGG customisées par Jimmy Choo vendues au triple du prix normal), en faisant préciser par les journalistes mode que si on veut l’acheter il y a trois mois de liste d’attente dans le point de vente, question création de la frustration, puissant moteur d’achat,

c’est pas mal non plus…  Le cran au dessus, les stars/people et assimilés payés grassement par les marques pour boire telle boisson mine de rien, porter des bijoux Untel à un festival de cinéma, exhiber « son » smartphone à une soirée. Sans parler de la ligne de bagages signés du nom d’une actrice, d’un top model, d’une sportive (et même d’une réalisatrice!)  mais, ici, on retourne à la pub non déguisée au presque. La fashion addict n’est qu’une déclinaison de la conso-victim, la maladie du consumérisme existe, pathologie fabriquée par le conditionnement marketing omniprésent qui a d’ailleurs suscité un autre marché : les psys spécialisés dans les thérapies comportementales pour cesser d’acheter (confiscation de la carte de crédit, etc…)  


photo UGC



Dans le cruel jeu du prix des apparences, Larry, le voisin immédiat de Steve Jones, son acheteur le plus compulsif, va s’avérer moins riche qu’il ne l’affichait, une presque amitié gênante pour l’arnaque se noue alors entre deux hommes qui font semblant d’être riches pour des raisons différentes, le marchand et le frimeur… Car ce n’est pas seulement d’hyper-consommation, de fabrication de désirs de posséder tel objet qui ferait de vous un « élu » qui peut se l’offrir, de faux besoins de choses matérielles inutiles ou superflues censées adoucir la vie (« Les Choses » de Perec le disait déjà très bien), qu’il s’agit, le film traite aussi les conséquences de cette boulimie de consommation suscitée chez les victimes : le surendettement, stade terminal du consumérisme effréné. 
 


photo UGC

 

Derrik Borte, le réalisateur, a raconté au festival de Deauville que la plupart des stars à Hollywood voulaient jouer dans son film quand elles ont eu vent du scénario, ainsi, Amber Head (« All the boys love Mandy Lane ») a fait le forcing et Demi Moore a demandé à en être. Le couple Demi Moore et David Duchovny est parfait, ça fonctionne. Donc, la fin du film, ce n’est pas ça! consolatrice, moralement correcte, bricolée happy end qui ne colle pas (cf. le début de ce billet), Derrik Borte en avait envisagé une autre avec une famille similaire partant pour les Indes… (comprendra qui a vu le film, le verra). Mais le film, même s’il n’est pas parfait, est original et courageux, drôle, rythmé, avec un casting en or, c’est déjà bien… 

 

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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