"The Visitor" : une histoire d'aujourd'hui

Grand Prix du festival de Deauville 2008, Tom Mc Carthy, sortie 29 octobre 2008

Pitch

Un sexagénaire universitaire, veuf et taciturne, voit sa vie bouleversée par l'irruption d'un couple d'immigrés sans papiers dans son appartement.

Un professeur de littérature, déprimé, introverti, presque revêche, vivant comme un vieux garçon dans le Connecticut depuis la mort de sa femme, se voit obligé d’accepter d’aller à un congrès à New York. Dans ce film subtil, une scène, une phrase, définit un personnage. On voit Walter prendre une leçon de piano et s’entendre dire perdidement par son professeur de piano qu’il n’est pas doué, qu’elle lui rachèterait volontier l’instrument si il se décidait à renoncer…Débarquant dans son appartement de New York qu’il n’habite plus qu’épisodiquement, Walter se voit claquer la porte au nez de sa propre salle de bains où une jeune femme hurle au secours. Deux jeunes gens squattent son appartement ou plutôt le jeune homme Tarek y a emmené sa petite amie s’y installer sans la prévenir de la situation. Le couple s’apprête à quitter les lieux quand Walter réalise qu’ils n’ont nulle part où dormir et les invite à revenir. Une pseudo communauté s’établit, le courant passant immédiatement entre Walter et Tarek qui lui apprend le djembé, exit le piano… Pour la première fois depuis des années Walter s’intéresse à quelqu’un et quelque chose, réalise qu’il existe encore un monde extérieur à son deuil et son université. Une amitié naît entre ces deux hommes si dissemblables car Tarek prévient Walter : pour les percussions, il ne faut pas penser, activité principale de cet intellectuel coupé de la réalité.
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photo TFM distribution

Malheureusement, par la faute de Walter empêtré dans le tourniquet du métro avec son djembé sur l’épaule, Tarek venant à sa rescousse se fait rudement arrêter par la police, hors, le jeune homme est sans papiers, ce que Walter ignore. Soudain, la vie de Walter bascule, cette arrestation injuste et brutale sous son nez réveille en lui un coeur qu’il croyait enterré avec son épouse, il va alors se démener pour l’aider à sortir de prison. Car Tarek risque l’expulsion vers la Syrie, son pays d’origine. Sur ces entrefaits, la mère de Tarek, Mouna, arrive à New York et apprend de la bouche de Walter l’emprisonnement de son fils. Mais ni la petite amie ni la mère de Tarek ne peuvent aller le visiter sous peine d’être expulsés eux aussi, Walter fait le messager, apportant les lettres au prisonnier sans les lire. Par petites touches, on décrit l’administration américaine et ses drastiques lois d’immigration, les conditions de détention des étrangers sans papiers, le va et vient des parents cherchant un proche à qui on ne répond pas mais qu’on renvoie systématiquement lire une affichette avec un numéro de téléphone, l’indifférence bornée des employés à l’immigration.
 


photo TFM distribution
The Visitor est un film pudique et sensible évitant tout pathos tout en distillant une émotion souterraine, la réalisation classique laisse la vedette aux scènes de la vie quotidienne : quand un homme comme Walter, qui lit sans doute les quotas d’expulsion dans la presse sans s’en émouvoir, est confronté à la réalité humaine du sort des immigrés de son pays, souvent bien intégrés depuis des années, renvoyés « chez eux » comme des marchandises, cela révèle en lui une révolte et une générosité dont il ne se savait pas capable, faute qu’on les ait sollicités. Revenant brusquement à la vie réelle, Walter se rapproche de Mouna, la mère de Tarek qu’il a insisté pour héberger, n’ayant plus aucune envie de retrouver son bureau à l’université. 


photo TFM distribution

Mais qui aide qui? La vraie générosité est-elle plus de savoir recevoir que de donner? Walter n’a-t-il pas plus reçu qu’il n’a donné? Plus qu’en payant les frais d’avocat, c’est en partageant la musique avec Tarek que Walter a ouvert son coeur. La fin du film est délicatement déchirante, jusqu’au bout, le réalisateur aura résisté à la tentation des larmes… Rarement un film engagé n’en aura eu si peu l’air, faisant appel aux sentiments réflexe face à l’adversité et au sens élémentaire de l’entraide plus qu’à des conclusions politiques que le spectateur tirera de lui-même. Un récit universel, un récit contemporain de l’inaceptable qui arrive tous les jours, en premier lieu en France… en copie du « modèle américain » cher à l’actuel chef de l’éxécutif…
 


Carole Bouquet, Hiam Abbas et Tom Mc Carthy lors de la remise du Grand Prix à Deauville le 14 septembre 2008

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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