« Tournée : après les dithyrambes cannoises…

14 juin 2010

CineActuel Camille Marty-Musso

Cannes 2010, prix de la mise en scène, sortie 30 juin 2010

Pitch

Le retour en France d'un ancien producteur de télévision qui a tout plaqué pour partir aux USA. Il en revient avec un show de New Burlesque pour lequel il a organisé une tournée qui doit se terminer en apothéose à Paris.

Mathieu Amalric, de mon point de vue, est toujours meilleur acteur quand il ne tourne pas sous la férule de Desplechin qui a fait de lui un acteur quand il se destinait à la réalisation. Même remarque ici, même si ça fait sursauter ses fans et les fans d’un film qui a fait l’unanimité au dernier festival de Cannes (est-il possible ensuite de ne pas adhérer aux louanges cannoises?) : MA joue, plus clairement surjoue dans son film « Tournée » comme il surjoue chez Desplechin et pas chez Spielberg ou Schnabel (« Le Scaphandre et le papillon »), par exemple, avec cette affectation qu’il gomme quand il est bien dirigé, et alors, il peut être immense, dernier exemple en date chez les frères Larrieu (« Les Derniers jours du monde »)… D’entrée, donc, un bémol, le Amalric show. En revanche, le show des girls du New Burlesque, l’essence véritable du film, est nettement plus naturel…

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photo Le Pacte

Ceci dit, après les échos dithyrambiques de Cannes sur « Tournée » et sa présentation avec les actrices du New Burlesque, Mimi Le Meaux, Dirty Martini, Julie Atals Muz, je m’attendais à les voir davantage sur l’écran… J’ai plutôt vu le récit du retour au bercail d’un homme qui a tout plaqué, trahi tout son entourage, son épouse, ses enfants, et surtout le milieu de la télé où il était un producteur célébre. Des girls, le réalisateur Amalric a extrait la plus séduisante, Mimi Le Meaux/Melinda dont son personnage, Joachim Zand, tombe amoureux petit à petit pendant cette tournée. La manière dont le réalisateur Amalric filme le numéro de strip-tease de Mimi Le Meaux/Melinda colle parfaitement au sentiment amoureux qui nait chez Amalric/Joachim acteur la regardant depuis les coulisses : un homme filme la femme qu’il aime (un réalisateur filme l’homme qui regarde la femme qu’il aime), c’est le point fort de ce prix de la mise en scène qu’a obtenu le réalisateur au festival de Cannes 2010.

photo Le Pacte

Les shows du New Burlesque, mouvement contemporain mixant deux genres : les spectacles comiques grivois du Music-hall américain des années 20/30 et le strip-tease des pin-ups des années 50, le tout pimenté d’une pointe de trash dans le glamour humour, sont superbes et on regrette qu’il n’y en ait pas davantage. Les atermoiements de Joachim allant régler les comptes de son passé à Paris où il ne trouve que rancune et rancoeurs, cherchant en vain une salle pour sa tournée après la trahison d’un ancien ami qui lui a fermé la porte de son théâtre à la dernière minute, est franchement moins passionnante, la nostalgie pas mal téléphonée avec l’étendue du désastre au retour des USA (l’épouse à l’hôpital, les enfants dont il ne sait plus la date de naissance, l’ami producteur entre haine et amour).

photo Le Pacte

MA a expliqué à Cannes qu’il avait ressenti le besoin d’écrire un scénario pour donner une colonne vertébrale à son film né de la lecture d’un article sur le mouvement New Burlesque, qu’il a néanmoins tourné son film en reproduisant une vraie tournée avec le show du New Burlesque (il le fait en ce moment pour la promo du film). Par ailleurs, MA ne se destinait pas à jouer Joachim dans son film… Au final, j’ai aimé le projet de départ!!! Car tout ce qui a été ajouté, la scénarisation du show, l’invention de cette histoire du retour de Joachim Zand producteur de télé, son histoire d’amour avec une des girls, pour transformer un projet de doc en fiction, tout ça, de mon point de vue, parasite le film… Personnellement, j’aurais préféré un documentaire sur le show on et off avec un personnage de producteur en sourdine s’effaçant devant un sujet fort et original se suffisant à lui-même… Le réalisateur l’a si bien compris que sa promo et la présentation du film en compétition au festival de Cannes a été basée exclusivement sur les girls du New Burlesque.

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