"Andalucia" : la cavale

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Un jour, il rencontre son copain d’enfance Djibril (très joli flash-back de l’adolescence avec Djibril qui sonne à toutes les portes des copains pour demander qu’on lui prête pour une nuit une paire de Nike, une console vidéo, etc… chacun participe), Yacine se souvient avec nostalgie et culpabilité qu’il a quitté ses frères d’infortune, son frère biologique, agressif, rancunier, lui reproche de s’habiller comme un notable, il lui répond que lui, c’est comme un ado qu’il s’habille…

photo Eurozoom
Le film est tout en zapping de séquences juxtaposées avec un montage très habile qui dit tout en un mot, un geste, avec beaucoup de fluidité. Un exercice casse-gueule quen général je trouve artificiel, ce film étant une exception, ces passages incessants dune scène à une autre sont, je ne sais exactement pourquoi, harmonieux (Yacine rencontre une fille, Yacine dans un lit avec cette fille, deux plans, on passe à autre chose, etc). Il y a une sorte de musicalité dans lenchaînement des images et des scènes, des fragments de scènes, dailleurs, la musique tient une grande place dans le film. Très efficace aussi, ces flashs rapides sur la violence de Yacine, un passé quon devine délinquant mais pas trop, parfois, les mauvaises habitudes reprennent le dessus, il casse la gueule dun type pour lui voler sa moto, puis, il se ravise, le ranime, lui rend ses clés Il y a une liberté, une fraîcheur quelquefois presque enfantine, comme cette scène où Yacine décrit la plus belle action foot du monde par Pelé, il en parle si bien quon visualise la scène et on piaffe de la voir en vrai et le réalisateur nous loffre en images darchives Ce film a la grâce, on sourit souvent, on est touché, amusé, cest un nouveau cinéma dune génération de français, enfants dimmigrés, avec cette impression dêtre des étrangers chez eux.
« … Cest quand même très bizarre quand tu vis dans un pays où tu as la gueule de létranger. Tu es dans un travail constant, en train de regarder ce que lautre pense de toi… » (Alain Gomis, interview)
Une scène résume de manière vertigineuse la situation de malaise identitaire avec un vigile qui suit Yacine dans un supermarché :
« …il y a une espèce de schizophrénie de la part de ce vigile : un maghrébin suit un maghrébin parce quil est maghrébin… » (Alain Gomis, interview)
Un cinéma révolté mais débordant de pulsion de vie, dénergie, de combativité, un cinéma vivant. On aurait tort dattribuer le mérite du film à la seule interprétation brillante de Samir Gesmi, cest lensemble du film qui est une réussite. Enfin, un peu de neuf dans le cinéma français
PS. Pour coller à l’actu… je ne résiste pas à citer ici une phrase de Samir Guesmi (Yacine dans le film) extraite du dossier de presse : A la question « Yacine est-il un symptôme social ? » Samir Guesmi répond « Alain Gomis met la loupe sur ce personnage qui cherche à se dépatouiller dans une société devenue de plus en plus flippante Que le président de la république sorte avec un top model pendant que les cités brûlent, cela ne veut plus rien dire ! »
Notre note
(4 / 5)
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