« L’Oeuf du serpent »: polar parano-politique

Abel Rosenberg, trapéziste américain venu de Philadelphie avec un cirque pour faire un numéro avec son frère et sa belle-soeur à tous les défauts pour s'intégrer à Berlin en 1923 : étranger, juif et chômeur dans un pays ravagé par le chômage, la misère et l'inflation. Le récit se passe pendant une dizaine de jours de novembre 1923 : Abel rentre dans son hôtel où se tient un joyeux banquet au rez-de-chaussée, il ouvre la porte de sa chambre avec un plateau repas pour trouver son frère suicidé sur son lit d'une balle dans la bouche (tandis qu'on entend les chants monter à l'étage…) Affolé, il cherche à joindre sa belle-soeur Manuela dont son frère était séparé. Le commissaire de police Bauer finit par le relâcher après un tour à la morgue où il lui laisse entendre qu'on pourrait bien le soupçonner d'une dizaine de crimes impunis commis dans son quartier dont une jeune femme qu'il a croisée ou le portier du cabaret où travaille Manuela. On découvre alors Liv Ullmann en danseuse à perruque bouclée vert pâle et robe en plume orange, maquillée comme un travesti. La jeune femme essaie de s'occuper d'Abel, mais, bien qu'ils soient attirés l'un vers l'autre, le fantôme du frère suicidé les sépare, ils se sentent harcelés, Abel ne peut dormir que complètement ivre.
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photo Carlotta
La suspicion de tout s'installe, après les crimes dont la police accusait Abel à mots couverts, c'est lui qui soupçonne Manuela de mener une double vie car elle travaille aussi le matin. Chassés de la pension de famille parce qu''Abel est juif, le couple trouve refuge dans un logement intégré à l'hôpital Saint-Anne grâce à l'entremise d'un type inquiétant, une vieille connaissance. Entre temps, des casseurs on mis le feu au cabaret et tabassé le patron qui est juif. Abel est affecté aux archives de l'hôpital dans les sous-sols, on a alors basculé de la parano au délire de persécution. Abel finit par devenir ce qu'on attendait de lui, un homme qui ne contrôle plus rien. Dans les sous-sols, Abel sera confronté à un médecin de l'hôpital Saint Anne qui filme des expériences sadiques sur la limite de tolérance des êtres humains qui préfigurent celles des camps, bien qu'ils n'aient été soumis à aucune expérimentation précise, le couple Abel et Manuela a finalement supporté le même genre de stimuli en étant enfermé dans le logement de l'hôpital cerné de fantômes.

photo Carlotta
Film très noir, dur, pessimiste, où les êtres humains sont soumis à une sombre destinée à laquelle ils n'essayent pas d'échapper, subissant, souffrant, tournant en rond comme des souris en cage ou fuyant vers nulle part, marchant telle cette foule hagarde (filmée au début du film et reprise à la fin) vers un destin encore plus sombre d'où vont éclore les générations futures, hantées par les traumatismes des générations précédentes, conditionnées pour le futur régime nazi. L'intrigue tenant d'un film d'espionnage n'intéresse pas Bergman, prétexte à tricoter une ambiance anxiogène Kafkaïenne (asphyxie de l'Allemagne et d'un couple en particulier) sur fond d'un drame historique et d'analyse de la logique politique.

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