Adjani puissance 5


César 2010, photo Canal Plus
vidéo Canal plus…

On a bien senti que le 5° César pour Isabelle Adjani ne faisait pas l’unanimité quand elle est monté sur scène en somptueuse robe de soie bleue Azzaro et gilet doré.
5ième César mais aussi 4° récompense pour Adjani dans « La Journée de la jupe » après le Prix Lumière, le Globe de cristal et l’Etoile d’or 2010. Elle est souvent habillée en or mat ces temps-ci, les photos sur Gala avec en plus un filtre doré (un peu lourd), la veste or des Globes de cristal sur jupe et bottes noires, sauf cet interlude du bonnet péruvien à tresses et manteau de soie noir doublé de bleu à Berlin, sac premier flirt de Lancel en fourrure… C’est toujours la meilleure, ça ne passe toujours pas pour tout le monde, la tête de certaines actrices filmées dans la salle pendant qu’Adjani étaient en larmes sur la scène des César en disait long… Dans « Gala », elle revient sur le handicap du premier de la classe dans nos contrées où, c’est moi qui l’ajoute, on a toujours eu une tendresse pour les Poulidor. Une prise de poids providentielle l’avait fait prendre en pitié l’année dernière pour la précédente cérémonie des Globes de cristal où elle avait eu, de surcroît, cette idée maladroite de se maquiller d’un tatouage en dentelle noire sur la peau, le visage, le cou, enfin, elle donnait prise aux critiques… On a même lu Sollers, cet écrivain moine libertin misogyne, parler au moment de Cannes l’année dernière de la « pénible obésité » d’Adjani, pourtant magnifique dans une robe noir et or, le maquillage smoky à l’orientale, venue remettre la caméra d’or. 

       
Prix Lumière 2010, Globe de cristal 2010 (photos Isabelle Vautier), Berlinale 2010 pr présenter « Mammuth »

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Donc, je lis quelques tweets féroces sur l’actrice et le film après avoir regardé la cérémonie des César à la télé, comme tout le monde, et bien que je sois pas fan des déclarations tire-larmes, celles d’Adjani m’ont touchée, non pas parce que c’était elle, mon actrice de référence, mais parce qu’elle a dédié pour la première fois sa récompense, et Dieu sait qu’elle les a accumulées, à ses parents aujourd’hui disparus… Car la chose la plus cruelle, c’est cette dédicace justement, ne fait-on pas toujours les choses de manière absurde pour la reconnaissance de gens qui sont morts, qui ne sont plus là pour « voir », alors que tout ce chemin, c’était pour eux… Le parcours classique de l’enfant devenu star pour consoler rétrospectivement ses parents d’une vie ingrate ou changer le regard d’un parent qui ne vous regardait pas, enfant, ne vous parlait pas, qu’il soit enfin fier de vous, même depuis « l’au-delà » ; une sorte de tentative d’annulation rétro-active des blessures de l’enfance, sauf que dans la vie on ne retourne pas les scènes du passé, on ne coupe rien au montage, un peu en psychanalyse, une vie à la relire… Le syndrome Marilyn que l’adoration du monde entier n’a jamais apaisée…Ce film, dénigré par certains critiques, « La Journée de la jupe », fut sans doute pour l’enfant surdouée de Gennevilliers, fille de parents immigrés, père algérien, mère allemande, une occasion de revendiquer son identité multiple, à la fois française mais algérienne de coeur comme ce père mutique tant aimé, un peu allemande peut-être aussi comme sa mère qu’elle décrit dans les interviews comme joyeuse, aimant la vie, l’identité, c’est si compliqué… Sonia Bergerac, qui revendique la laïcité, d’être un prof et rien d’autre jusqu’à la fin du film alors qu’il eût été tellement plus facile de copiner avec ses élèves en leur disant qu’elle est enfant d’immigrés des banlieues dites « sensibles » comme eux, moi, ça m’a touchée… Les larmes de la star française ultime aux 5 César que rien ne viendra pourtant consoler que ses parents ne la voient pas récompensée pour ce rôle engagé, dédiant le César à sa mère

disparue il y a deux ans, « où qu’elle soit », comme elle l’a dit en levant la tête vainement vers le ciel, tentant de lire un papier qu’on lui reproche déjà sur les forums (elle aurait fait semblant d’être étonnée alors qu’elle avait préparé deux pages de remerciements!), moi, ça m’a remuée… De l’enfance, on demeure inconsolable, c’est terrible comme il n’y a pas de réparation possible que superficielle, lacunaire… 

  
Cannes 2009, photo1 Isabelle Vautier, photo 2 CinéManiaC

Et je passe sur le courage d’Adjani d’avoir accepté de casser son image dans « La Journée de la jupe », pas maquillée, pas coiffée, pas filmée sous son meilleur profil, empâtée, une démarche qui aurait pu aboutir, au passage, à ce qu’on cesse enfin de lui reprocher ce que font toutes les actrices dans les cabinets des dermatos, ces injections d’acide hyaluronique pour combler les rides, ces tripatouillages esthétiques pathétiques pour ne pas être dans le collimateur du totalitarisme de la jeunesse et la minceur éternelles de notre société, une manière extrême de nier la condition de mortel de l’être humain. Ca me rappelle une phrase de Valeria Tedeschi-Bruni dans son premier film, un médecin lui dit que son père très malade va mourir, elle répond « et alors, on ne va pas tous mourir? » mais c’est un autre sujet…
 

  
photo « La Gifle » de Claude Pinoteau, Nathalie Baye et Isabelle Adjani

Voir aussi : Adjani et mon compte rendu des Prix Lumières 2010…

Voir aussi : Adjani à Cannes lors du Palmarès 2009…

 

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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