« Amnesia » : la réconciliation intérieure, SO Cannes 2015
Pitch
Ibiza 1990, Jo, musicien et apprenti DJ, arrive de Berlin. Il rencontre Martha qui, depuis quarante ans, vit seule dans une maison face à la mer.
Notes
Dans « Amnesia », il n’y rien du Barbet Schroeder que le cinéphile connaît (laissons de côté sa période américaine) et pourtant il y a tout, mais avec une pudeur inconnue chez lui car c’est son film le plus autobiographique. Une des caractéristiques du cinéma de Barbet Schoeder est son talent pour intégrer des vraies scènes documentaires dans des films de fiction sans que le spectateur ne puisse détecter « le vrai du faux » (scènes tribales documentaires dans « La Vallée », vrais protagonistes SM dans « Maîtresse », etc…) ; sans oublier que BS a réalisé bon nombre de documentaires tels « Général Idi Amin Dada » ou, le dernier, « L’Avocat de la terreur » sur Jacques Verges.
Dans ce film intimiste et épuré qu’est « Amnesia » malgré son titre trompeusement provocateur faisant référence au célèbre club d’Ibiza, une île devenue aujourd’hui une boite de nuit en plein air 24/24h, c’est bien d’amnésie qu’il s’agit, mieux, une amnésie volontaire de son personnage principal, Martha, septuagénaire allemande refusant de s’exprimer en allemand, préférant communiquer en anglais.
Le récit se passe au début des années 90, Ibiza n’est pas encore totalement investie par la fête tarifiée sous exctasy avec des DJ stars genre David Guetta. Martha vit seule dans un paysage de rêve, la nature respectée, dans une maison sans eau ni électricité. Sa rencontre avec Jo, jeune allemand, aspirant DJ, rêvant de se produire dans cette nouvelle boite des nineties, « L’Amnesia », va la réconcilier avec sa langue maternelle et son pays, au delà des liens amoureux, quoique platoniques, que Martha noue avec le jeune homme, symbole pour elle de la nouvelle génération germanique.
La maison où a été tourné le film est celle que possédait et habitait la mère du réalisateur et lui-même dans les années 50. Une maison témoignant de la vague allemande d’artistes ayant investi Ibiza dans les années 30, bien avant les hippies de « More », son premier film (se passant d’ailleurs en partie dans cette maison). Construite par l’architecte allemand Raoul Haussmann en 1935, la mère de BS en fit l’acquisition en 1951. Elle y vivait comme Martha, sans eau ni électricité et, détail impressionnant, la mère de BS n’a jamais voulu parler allemand a son fils, par ailleurs, petit-fils d’un grand psychiatre allemand. Dans le DP, Barbet Schroeder, de nationalité suisse, déclare ne pas savoir parler l’allemand, sa langue dite maternelle.
Revenons au film où c’est Jo, un jeune homme solaire, pas né durant la seconde guerre mondiale, qui va réconcilier Martha avec son pays, qu’elle redécouvre sous un jour nouveau, après l’avoir renié si longtemps en refusant sa langue quand tout autour d’elle (musique, tableaux, art) disait le contraire, la nostalgie mais la honte et l’impardonnable des atrocités du nazisme.
Si je n'avais pas su avant de le voir qu'"Amnesia" était de Barbet Schroeder, je l'aurais jamais deviné, drôle de film (avec clés cachées?)
— Camille Marty (@Cine_maniac) August 4, 2015
Et aussi
"Amnesia" est bien davantage qu'un documentaire, c'est un récit franchement autobiographique, un peu romancé par l'adjonction du personnage de Joe ayant surtout vocation à déboucher sur un final apaisé et la réécriture en positif de l'histoire d'une enfance, d'une vie. Un film testament? Le problème avec ce film est que sans toutes ces informations en amont, malgré le bonheur de revoir Marthe Keller dans un grand rôle et les images toujours maîtrisées de BS, le spectateur risque de ne pas très bien comprendre où ce récit si pudiquement esquissé veut en venir, une non histoire d'amour, une femme seule, en proie avec le déni sa langue maternelle, une île encore vierge... Sans doute faut-il se laisser immerger dans la beauté d'un film pictural (en première lecture), d'une épure qu'on retrouve souvent dans le cinéma asiatique. C'est l'envers du décor, le contraire de "More", film choc, culte dès sa sortie, avec Mimsy Farmer ensorcelante et vénéneuse, accro à l'héroïne et prosélyte, une histoire d'amour auto-destructrice des années hippies. Dans la foulée de la sortie d'"Amnesia", se profile la reprise en salles de "More" (le 19 aout) et de certains films de Barbet Schroeder dont "La Vallée", son second film, mon préféré. NOTA. Ce film a été présenté au festival de Cannes cette année, en SO, séance speciale double avec "More". [caption id="attachment_11649" align="aligncenter" width="385"] Mimsy Farmer dans "More" (1969)[/caption] [caption id="attachment_11651" align="aligncenter" width="385"] Bulle Ogier dans "La Vallée" (1972)[/caption]
Notre note
(4 / 5)
Mots clés: Amnesia, AP, Barbet Schroeder, Cannes 2015, CinéFestival
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Posted by:
Camille Marty-MussoCe site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
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