Lectures d’été 2009, notes 1

L’été, quelques notes et impressions de lecture… Poche ou nouveautés, romans ou thrillers, 5 livres dans le désordre… « La Salamandre » de J. Christophe Ruffin


En fermant ce  livre, j’aurais aimé être producteur tant le sujet est cinématographique, tant c’est visuel… Une terne quadragénaire va passer des vacances à Recife chez un couple d’amis, elle n’en reviendra pas. Tandis que le couple français en poste à Recife se comporte en colon, cette femme coincée débarquée de son bureau parisien va entamer sans le savoir un parcours christique au féminin. Tombant sur un gigolo de 19 ans qui la séduit facilement sur la plage, elle s’enflamme et veut le suivre… Tandis qu’il lui donne rendez-vous en ville, elle espère pénétrer dans la favela qu’il fuit. Installée à Olinda après avoir tout vendu à Paris, le gigolo, à qui elle a donné l’argent pour acheter un bar fantôme, achève de la dépouiller avec son consentement. Conte philosophique sur la mauvaise conscience occidentale vis à vis de la réalité de l »extrême pauvreté des pays comme le Nordeste du Brésil, cette femme, égarée un temps par ses sens, suscitera et acceptera son parcours expiatoire et finira par prendre la place d’une vieille dame défigurée qui tenait une barraque à boissons sur la plage.
Un petit livre bien écrit par un écrivain qui a vécu longtemps au Brésil (Goncourt avec « Rouge Brésil ») et le décrit de l’intérieur, un scénario idéal…

« Maria avec ou sans rien »  (« Play it as it lays ») de Joan Didion 


Joan Didion ne cesse d’être une révélation depuis qu’on a enfin traduit quelques uns de ses livres en français, c’est à dire depuis « L’Année de la pensée magique » où elle racontait la mort de son mari, puis de sa fille, son impossible double deuil après quarante ans de mariage. Ecrivain culte aux USA, pionnier du new journalism, ses chroniques « L’Amérique » avaient déjà été au printemps un vrai choc. « Maria avec ou sans rien » est un de ses premiers livres fin des années 60, et sans doute le plus novateur… Quel style, quel don pour créer une ambiance en quelques mots secs, quelle absence de pathos jusqu’à l’approche clinique, quelle distance avec les personnages dont on perçoit pourtant des touches d’âme en perdition.
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Maria, actrice ratée à Hollywood, mariée à un réalisateur devenu célébre après leur divorce, inconsolable du handicap mental de sa petite fille enfermée dans un établissement spécialisé. Maria emmurée dans un vide existentiel, absente même quand elle est présente, inconsolée, passant une partie de son temps à rouler sur l’autoroute afin de fuir la folie qui la menace… Dès le début du livre, on accuse  Maria d’avoir assassiné un producteur dévoyé, ami du couple, mais ce n’est pas le sujet, c’est un fil narratif habile pour maintenir la tension. Le sujet serait plutôt la dérive d’une starlette dépressive, pas assez ambitieuse pour devenir une star dans un milieu de combines, trahisons et orgies mondaines, mais pas assez solide pour y renoncer, subissant ou se débattant, claustrophobe, dans sa prison dorée.
Magnifique, un style unique, une atmosphère cinéma (plus de 80 mini-chapitres « arrêt sur image ») transcrite dans un objet littéraire pur et dur, Joan Didion, un peu Fitzgerald chez les « Misfits »… Un livre coup de coeur absolu.



« S. ou l’espérance de vie » d’Alexandre Diego Gary
 


Compliquée la construction narrative de ce livre ou le narrateur se dédouble pour expliquer que depuis 20 ans que ses deux parents trop célèbres se sont suicidé, il n’arrive pas à l’écrire, que seul dans le sud de l’Espagne, son double va essayer d’écrire enfin son livre… Finalement, le narrateur écrira très peu sur ses parents, un peu plus sur l’appartement qu’ils habitaient faubourg Saint Germain, sur le bureau de son père et la déco moderne, on refermera le livre en se disant qu’il lui reste à l’écrire… Entre temps, l’auteur parle de ses amours avec trois femmes, la femme idéale perdue pour une femme passion destructrice, la femme actuelle esquissée, de son amitié fusionnelle avec un jeune homme mort depuis du SIDA, personnage récurrent, obsédant, auquel le livre s’adresse en fait.
Un vrai tempérament d’écrivain pour ce fils de qui ploie sous la comparaison d’avec le père grand écrivain, deux fois prix Goncourt (Gary et Ajar).

Un an après qu’on ait retrouvé son ex-épouse Jean Seberg suicidée dans le coffre de sa voiture (1979), Romain Gary se donne la mort. Une mort qui semble accompagner sa vie depuis toujours, dans « La Promesse de l’aube », il raconte les lettres que sa mère morte depuis trois ans lui faisait envoyer par un tiers pendant la guerre pour le soutenir… Dans ce livre  « S. ou l’espérance de vie », l’auteur laisse entendre que son père Romain Gary attendait la mort de sa mère Jean Seberg pour en finir afin de ne pas le laisser seul avec elle qu’il savait déséquilibrée…

« Mako » de Laurent Guillaume


Prix des lecteurs de VSD/coup de coeur de F. Beigbeder (l’a-t-il seulement lu?)… Très mauvais polar plutôt mal écrit dont l’auteur, ancien policier, est un peu le Olivier Marschall du livre, plus préoccupé de décrire les relations au sein de la police entre collègues et de construire un antihéros brisé par le système policier interne qu’une intrigue captivante. L’inspecteur Makovitch, surnommé Mako, est un flic violent et déprimé, autrefois superflic et aujourd’hui cassé, névrosé, ingérable. Le final avec une somptueuse pute de l’Est miraculeusement sortie du tapin pour reprendre ses études et élever son enfant n’arrange pas les choses.
A éviter, même en poche.

 

« Genesis » de John Case

 


Polar scientifique, comme on le présente, c’est la crème du thriller, les personnages et l’intrigue à deux branches haute couture. D’un côté, un curé de campagne, chassé autrefois des arcanes du Vatican, entend la confession monstrueuse du Docteur Baresi, notable du village, et se précipite à Rome en rendre compte. Un assistant de l’archevêque, présent à l’entretien, lui, se dirige vers Naples vendre la mèche au charismatique chef d’Umbra domini, une branche intégriste de l’Eglise opposée aux décision de Vatican II. De l’autre côté, un détective  américain participe à l’enquête sur la mort de sa soeur et de son neveu disparus dans des conditions atroces : égorgés, brûlés dans leur villa d’un riche lotissement de la banlieue de Washington.  Le détective découvre rapidement que ce sont des dizaines de femmes d’un milieu bourgeois, mères d’un fils en bas âge, qui ont brûlé dans des conditions identiques partout dans le monde de Sao Paolo à Londres, qu’avaient donc ces femmes en commun?
Typiquement le thriller captivant évasion de vacances, bien écrit, bien construit, pas de style flamboyant mais du fond, efficace! John Case est le pseudonyme d’un couple d’écrivains écrivant à quatre mains.

PS. Je ne résiste pas d’évoquer deux couvertures de deux livres qui m’ont scotchée à la Maison de la presse de Deauville avec les titres suivants : « J’ai épousé un con » et, surenchère bienvenue…, « J’irai pas chez le psy pour ce con », du grand art dans le titre et le choix du sujet…

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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