"Les Insatisfaites poupées érotiques du Dr Hitchcock" : 1971, année poupée érotique…

Fernando di Leo, 1971

 «Les Insatisfaites poupées érotiques du Dr Hitchcock »
(ou encore « La Clinique sanglante »)
(VF de… « La
Bestia uccide a sangue freddo » de Fernando di Leo, Italie 1971)

—–

Je reviens de lavant-première de «Ne le dis à personne»,
second film du comédien Guillaume Canet (ça paraît improbable de ne pas
le savoir car le matraquage promo bat son plein), film français riche
et indigeste comme un plat en sauce, boulimique et surexplicatif sur
lequel on reviendra Je vous assure qu’on se distrait bien davantage en
restant chez soi un dimanche soir à regarder «Les Poupées érotiques
insatisfaites du Dr Hitchcock», un titre dont soulignait le cartésien
présentateur du câble : «elles sont poupées donc passives mais
insatisfaites quand même»


Un tueur en série décime les pensionnaires de la clinique du
Dr Hitchcock, sorte de pension médicale pour nymphomanes déprimées.
Lambiance à la clinique est inénarrable : le jour, patientes et
personnel médical font ensemble une partie de croquet sur la pelouse
devant le château, les unes en décolletés mortels, les autres en blouse
blanche et calot sur la tête On retrouve ce délicieux mélange des
genres le soir au salon pour jouer ensemble aux cartes et bavarder La
nuit, personne ne dort ou presque Il y a tant à faire Les femmes
languissantes sembrasent en petite tenue sur leurs lits à draps
blancs, les soignants transgressent les tabous et le tueur tue


La mise en scène est dune simplicité touchante : pour
signifier que cest le jour, on fait un plan du château en plein jour,
pour la nuit, un plan du château de nuit et ce du début à la fin du
film Pour lirruption récidivante du tueur : un homme monte un
escalier vêtu dune cape noire, filmé de dos, sur le mur, lombre
chinoise dune arme blanche qui, seule, varie avec les crimes
successifs : une pioche, une hâche, un sabre, un poignard, une
arbalète, autant de symboles phalliques primaires que lombre va
chercher dans une salle darmes du château.


Retour au début du film : une sihouette menaçante sapprête à
frapper avec une hâche une belle brune qui se tord sur son lit sous les
convulsions dun rêve érotique quand, heureusement, le bruit la
réveille et un doigt appuie sur une sonnerie, des infirmiers se
précipitent dans le couloir, lombre fait marche arrière, générique
vert prairie


Pendant la partie de croquet, un couple arrive en voiture
décapotable, on comprend à la conversation sur la route que madame ne
va pas de son plein gré dans cette clinique, cest monsieur qui
insiste Plus tard, le réalisateur soffre le luxe dun plan coincé en
bas de lécran du visage de lhomme seul dans la décapotable sur le
chemin du retour, posant sa tête sur le pare-soleil et regardant
pensivement vers le château Pendant ce temps, des affinités se créent
On va suivre de près trois couples ou plutôt trois associations
improbables : Une brune torride et le jardinier Une asiatique et la
masseuse perverse Une brune femme-enfant et le médecin en chef (Klaus
Kinski) Et aussi une grosse femme blonde (celle de la décapotable)
affalée sur son lit en baby-doll en voile vert anis qui rêve à sa
dispute avec un médecin quelle a menacé dun gourdin mais se fera
trucider en solo

 

 

Ma scène préférée est celle du jardin que je vais essayer de
vous décrire : une infirmière sort avec une musique stridente qui
annonce un grand malheur, en effet, une tête de pioche sabat à toute
volée sur la sienne, on ne voit que ces deux têtes, celle de la pioche
et celle de linfirmière car déjà on a enchaîné sur la mine réjouie
dune troisième tête dune femme brune entre deux grandes feuilles
vertes dun massif sur une pimpante musique de sérénade à la guitare :
la brune pas farouche a repéré le jardinier et savance à la hâte tout
en se dévêtissant à travers les maigres arbustes et lui dit (le volume
des guitares ne cessant daugmenter) « donnes-moi ce que tu donnes aux
plantes », un grand moment Au château, on ne chôme pas non plus, une
masseuse rousse, petite et maigre mais perverse, masse une belle
asiatique callipyge sur son lit, dans son bain, avec ou sans blouse, en
lingerie noire sur poitrine plate (la masseuse) avant que la pauvre
(lasiatique) ne finisse avec une flèche en travers de la gorge Mais
avant le crime, il y a un moment assez savoureux : alors que les deux
femmes se tortillent en rythme sur une musique orientale, on ne sait
pourquoi, le scénariste leur colle une réplique qui tombe comme un
cheveu sur la soupe (outre létonnement quelle parle), la masseuse
dit à lasiatique « ça te rappelle ton pays, non ? », lautre ne rélève
pas mais ça entraîne néanmoins un déchaînement des deux dans une danse
érotique. Troisième romance : la brune femme-enfant et le Dr Kudell
(Klaus Kinski avec des longs cheveux jaunes brûlés de décolorant et
aplatis au fer) quelle appelle «Francis, dois-je vous faire part de
mes désirs ? »


Les dialogues sont parlés sur le ton des doublages des James
Bond des années 60 avec un ton récité et appliqué qui ne manque pas de
charme, cest absolument faux et suranné, poussés à ce degré de
fausseté, cest du second degré Les vêtements dépoque des années 70
italiennes sont un vrai documentaire : robes noires strassées à grosses
boucles en plastique découpant lestomac, minirobes turquoise genre
Courrèges, cils dessinés à la Twiggy (rappel : premier mannequin
anorexique qui dessinait de gros cils avec de leye-liner sur la
paupière inférieure). Les musiques changent avec lévénement recentré
sur deux thèmes agression et séduction, on passe des stridences de
langoisse aux mélodies du charme sans transition.
Le niveau érotique est celui des films Xsoft autrefois sur M6 «au
niveau de la pilosité pubienne» comme l’a dit aussi le présentateur de
la chaîne câblée dans son préambule au film et les chairs des actrices
ne sont pas exemptes de cellulite sous le hâle


Un film touchant par sa bonne volonté, sa nullité originelle
et son désir de bien faire malgré des moyens infiniment faibles qui
transpirent à chaque scène, dont on ne saura jamais vraiment à quel
degré de lecture il postule, très amusant à regarder en tout cas,
témoin dun genre et dune époque, avec Klaus Kinski dans sa période
italienne alimentaire, une curiosité…

 

Ce film existe en DVD sous un autre titre « La Clinique sanglante ».


Mots clés: , , ,

Partager l'article

Lire aussi

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top