"Nada exist" : Nostalgie trash

Simon Liberati, 2007

Un des livres les mieux écrits de la rentrée, a dit Frédéric Beigbeider dans son émission « Le Cercle » spécial rentrée littéraire. 6 émissions par an consacrées au livre, les autres au cinéma. Mais dans les deux cas, la présence dEric Neuhoff, le critique omniscient de lémission que la plupart des films assomment et les livres aussi, visiblement En revanche, quel plaisir que la présence dAngelo Rinaldi que personnellement je considère comme un maître et, bien évidemment, comme le top de critiques depuis des décennies. Bref, quand chacun a conseillé un livre à la fin de lémission, Beigbeider a fermé le cercle en présentant « Nada exist » de Simon Liberati. Le livre que jétais justement en train de lire Je lis de moins en moins mais javais pourtant lu également son premier livre « Anthologie des apparitions », celui-ci étant le second. Certains critiques lont comparé à Jean-Jacques Schull, moi, cest à Angelo Rinaldi quil ma fait penser et cela bien avant lémission citée plus haut. Pas tant pour le style que pour le profil du personnage principal, lâche et lucide, dévalorisé, désenchanté, hanté par la fin de la jeunesse et la mort de la séduction, obnubilé par la beauté, Rastignac apathique, vieillissant, mesurant la vanité de sa vie parisienne.


Cinq heures de la vie de la vie de Patrice, photographe de mode qui eut son heure de célébrité dans le microcosme show-biz, paillettes, années fric frime, sans talent particulier que dêtre beau et dans les bons plans de lépoque, en deux mots les années 80 comme Ardisson les a tant aimées, avec la grande époque du Palace qui fit tant de nostalgiques et décrivains aussi Plusieurs points communs entre les deux livres de Simon Liberati : primo, le même milieu social exerçant sur le héros fatale attraction et tardive répulsion, secundo, le fantôme de la femme sublime et sublimée mais disparue Trop jeune dans le premier livre, trop vieille dans le second, déjà morte pour lun, mourante pour lautre. Tertio, la valeur marchande de la beauté et la fin de la séduction vécue comme pire que la mort. Génération post baby-boom

—–


Patrice, isolé dans un pavillon de banlieue, sa compagne plus âgée que lui et protectrice, Didine (Nadine), ex plus belle femme de Paris, amie des riches et des puissants (Minette de Talleyrand, etc), agonisant dun cancer en phase terminale au premier étage. Patrice fuyant la maison pour aller à Paris mais pour cela il faudrait faire démarrer la vieille Aston Martin A Paris, une maîtresse goulue lattend quand il nose pas savouer quil resterait plus volontiers auprès de sa femme détruite mais il redoute lémotion A Paris, le dealer du voisin gay plus ou moins toxico qui lui a commandé un menu enfant (cocktail à base de cocaïne). Ces deux projets de rendez-vous occupent le livre Cest peu mais ce nest pas vraiment le sujet du livre Comme le héros nest pas le lamentable Patrice mais labsente, Didine, murée dans le silence et dans une chambre close. Le portrait de la femme quil aurait dû mieux aimer, mise au rebut car usée, nobéissant plus aux critères de beauté, ayant passé la date de péremption de la séduction, ne collant plus à limage de la femme très jeune modèle top model quil faut avoir à son bras, dans son lit, est la grande réussite de ce livre comme dans le précédent, où cétait aussi labsente qui remportait le morceau. On se fout de Patrice et de ses angoisses de vieillir, de mourir trop jeune ou trop vieux, de son désespoir de ne plus être mais davoir été, les passages quon attend sont ceux du passé : seule la flamboyance du passé dans la lumière de Didine témoigne de la déchéance du présent de Patrice, et seule celle qui ne peut plus parler aurait pu témoigner du pouvoir de séduction perdu du gigolo faux artiste, elle disparue, le pathétique Narcisse perd son image. Bien vu.


Bien écrit, très bien écrit, cest rare et ça le sauve, déprimé, déprimant, enlisé à jamais dans une époque quil ne cesse de pleurer, cest un livre ni sympa ni attachant mais possédant un style qu’on pourrait appeler nostalgie trash, celui dune génération inconsolable des nuits des années 80 et jamais remise de la lecture de Bret Easton Ellis.

 

Mots clés: ,

Partager l'article

Lire aussi

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top