« Taking off » : les parents de la génération hippie

Larry Tyne tente d’arrêter de fumer en suivant des séances d’hypnose. Pendant ce temps, dans un autre quartier de Manhattan, se déroule un casting qu’on va reprendre tout au long du film par bribes : des jeunes filles sans grandes prédispositions pour le chant mais l’ambition d’être dans la lumière tentent leur chance pour intégrer une comédie musicale. Portraits de ces candidates de seize ans environ dont certaines ont une voix fameuse, coiffées toutes pareilles, les cheveux longs, la raie au milieu, chantant du folk, avec des inconnues à l’époque comme Carly Simon, Kathy Bates (au casting de Milos Forman, s’était présentée en premier Madonna, une quinzaine d’années, qui n’avait pas été retenue).
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photo Carlotta

Soudain, Lynn Tyne s’affole, leur fille Jeannie a disparu. En concertation avec les parents de la meilleure amie de leur fille,  on décide d’envoyer les deux maris en prospection dans NY la nuit. C’est le début de la vision de Milos Forman sur le monde des adultes découvrant le phénomène hippie : sidérés mais tentés de s’amuser eux aussi, ici, les deux pères de famille se saoulent dans un bar, la scène la plus forte, apogée du film, étant cette assemblée d’une association de parents d’enfants fugueurs qui décide de fumer de la marijuana pour ressentir les mêmes sensations que leurs enfants. Soirée qui se termine par un strip poker à quatre chez le couple Tyne. 

photo Carlotta

« Taking off » est le premier film américain de Milos Forman, ses trois précédents films ont été tournés à Prague. Quand Milos Forman arrive en avril 1968 avec Jean-Claude Carrière comme co-scénariste à Manhattan, les deux compères infiltrent le milieu hippie tout en les observant. Mais une succession d’évènements politiques va les chasser d’une ville à l’autre, mort de Martin Luther King aux USA, mai 68 en France, le festival de Cannes suspendu, printemps de Prague. Quand ils retournent à NY en hiver 1969, le mouvement hippie s’étiole. Comme, par ailleurs, Milos Forman et JC Carrière, quadragénaires, sont plus proches de la génération des parents des « Runaways kids », les fugueurs qui constituent la majorité des communautés hippies, le film « Taking off » s’oriente sur le point de vue des parents et non pas des enfants fugueurs.

Au final, on a une comédie sociale acide, corrosive et très drôle sur le conflit des générations entre une Amérique puritaine et ses enfants qu’elle découvre au travers des hippies. Ce qu’a osé Milos Forman, c’est d’imaginer que ces parents encore jeunes sont tentés de s’amuser, se faire plaisir eux aussi, sous l’alibi de comprendre leurs enfants, idée qui entraîne de nombreuses occasions de comique de situation.Le DVD comporte deux bonus très intéressants, dans le premier, une interview de Milos Forman réalisée en 2000 qui parle de ses débuts de cinéaste à Prague, de ses trois premiers films et de la genèse de « Taking off ». Dans le second bonus, une interview de JC Carrière (2011) qui évoque le NY du Chelsea hotel*** des années 68/69, les expériences hippie dans des communautés qu’il a fréquenté avec Milos Forman pendant un an et demi, les dimanches de rassemblements à Central Park, les tenues bariolées, les concerts, la fumée… L’utopie hippie…

DVD et Blu-ray collector, éditions Carlotta, sortie 23 mars 2011
Bonus :
« Avant taking off » : Milos Forman en route pour l’Amérique (2000)
« Deux européens à New York » (2011)

*** Le film « Chelsea hotel » d’Abel Ferrara sortira en DVD le 5 mai 2011 (Wild side vidéo)