Géant : les derniers jours de Rock Hudson

Adrien Gombaud, 12 septembre 2025

Pitch

Les derniers sursauts de Rock Hudson, superstar des années 50, créée par Hollywood.

Notes

Qui sait combien de temps Rock Hudson a-t-il passé, les yeux fermés, à faire semblant? (Prologue du livre)

Né en 1925 dans un patelin du Midwest, Harold Roy Scherrer Jr, voit à dix ans son père quitter le domicile familial, sa mère se remarier avec un certain Fitzgerald, ancien Marine, homme violent qui les battait, lui et sa mère.

Débarquant à Hollywood, RH va dabord y retrouver son père qui y a refait sa vie. Puis tomber sous la coupe de lagent des stars de l’époque : Larry Willson. Rock Hudson est très ambitieux («il ne veut pas simplement être acteur, il veut être une super-star») et sait quil na pour atout que son physique : très grand, très beau. Larry Willson, quon dit spécialisé dans la fabrication des stars (Lana Turner, Joan Fontaine), avec un faible pour les beaux mecs homosexuels, en contrepartie, condition sine qua non, de faveurs sexuelles, va tout apprendre au petit gars du Minnesota (parler, marcher, changer sa voix, son sourire, son nom) et à partir de Roy Scherrer, fabriquer la star Rock Hudson formatée pour faire rêver, fantasmer, les jeunes femmes du monde entier. Le prix à payer pour Rock Hudson : se cacher, vivre dans le mensonge, ne rien laisser apparaître de son homosexualité en public. Toute sa vie, Rock Hudson vivra cadenassé dans son personnage, celui quil interprétait le mieux. Quoique dans ce quon appelait «le Château», sa luxueuse demeure, il invitera qui il veut mais toujours avec la porte fermée.

À trente ans, le célibat de RH étonnant les gazettes et le public, Willson, «le grand architecte du secret», lui fait épouser sa secrétaire : Phyllis Gates quon dit lesbienne. À la lecture des mémoires de cette dernière, le doute subsiste, il est possible quils eu, parfois, «une vie de couple».

Outre la fabrication de la star RH, ses débuts, on va de films en films, les rencontres déterminantes avec des réalisateurs comme Anthony Mann (Les Affameurs), Douglas Sirk (Le Secret magnifique, Tout ce que le ciel permet) : des actrices comme Doris Day (comédies comme Confidences sur loreiller),  jusqu’à Georges Stevens et Géant (au casting, Liz Taylor et James Dean) qui voulait faire une sorte dAutant en porte le vent texan

Il y a deux parties dans ce livre :

Le monde rêvé et le monde réel.

Dans le monde rêvé, le style de lauteur, un peu nostalgique, un peu poétique, nous emmène avec lui dans les coulisses du grand Hollywood. Dans le monde réel, les considérations scientifiques figent le style tout comme la pandémie va casser la machine à rêve, déjà mise à mal par l’émergence des «moches », comme disait lui-même Rock Hudson en parlant dacteurs comme Bob DeNiro, Al Pacino ou Dustin Hoffman.

Au cours de la lecture de cette seconde partie, LE MONDE RÉEL, très documentée, sur l’évolution du VIH du début des années 80 (où apparurent les premiers cas de SIDA), puis, la découverte, lidentification, du virus (Institut Pasteur), lauteur raconte la terreur insensée d’être contaminé par le virus qui sempara alors du monde entier, ici, du cinéma, au temps où le taux de morts par cette la maladie était de 100% jusqu’à ce qu’on découvre enfin un traitement qui permet de vivre : les trithérapies (1996).

Le SIDA, Syndrome DImmuno-Deficience Aiguë, en provoquant la chute des leucocytes, et, par là, la chute, la disparition de limmunité, permettait lentrée de germes dits «opportunistes» provoquant toutes sortes de pathologies différentes les unes des autres. Néanmoins, on retrouve souvent le syndrome de Kaposi, les affections pulmonaires aiguësComme les premiers malades sont tous homosexuels, on lappelle dans une premier temps, le «cancer gay » quand on se rend compte quon peut contracter la maladie par transfusion sanguine (en fait, il faut ce que le professeur Montagnier (prix Nobel pour la découverte du VIH)  appelait «une porte dentrée», la voix sexuelle, la voix sanguine, notamment chez les toxicomanes par le partage de seringues contaminées).

Lauteur raconte les conséquences de cette peur panique de la contamination sur la population : labandon de malades mourants dont la plupart des hôpitaux ne veulent pas. Dont on nose pas sapprocher, encore moins toucher. Les fantasmes collectifs quon pourrait être contaminé en embrassant un malade (longtemps, la salive sera incriminée). En France, le sinistre personnage politique Le Pen comparera les malades du SIDA à des lépreux. Aux USA, malgré lamitié de Nancy Reagan, le gouvernement choisit docculter la maladie. Choquée, Liz Taylor, partenaire (Géant) et amie de Rock Hudson, rejointe ensuite par dautre stars, fera alors un gala avec appel aux dons pour la recherche dun traitement et sinvestit personnellement dans le soutien des malades.

Rock Hudson, diagnostiqué positif au virus VIH en 1984, va tenter en secret un traitement intensif expérimental à Paris. Pour expliquer cet intérêt soudain pour la France et lEurope (Italie, GB) tout en restant muet sur les raisons de ses séjours, Rock Hudson se rend, notamment, au festival américain de Deauville, où il a désormais une cabine de bains à son nom sur Les Planches.

Mais, occupé par le tournage de Dynasty (il y joue lancien amoureux de Kristle Carrington), il ne retourne pas à Paris à temps pour poursuivre ce traitement (aurait-il marché sur le long terme?) : descendu au Ritz, il est évacué vers lHôpital American après un malaise. Dès lannonce officielle de sa maladie (juillet 1985)  par lAP francaise Yanou Collart, son amie, la panique se répand, il doit quitter en catastrophe et lHopital Américain et Le Ritz, obligé daffréter, à ses frais, un 747 dAir France (qui refuse de lembarquer avec dautres passagers) pour lui seul afin de rentrer chez lui senfermer au «Château» où il finira ses jours, dans la silence dun téléphone qui ne sonne plus.

Malgré que cette seconde partie parle en parallèle de la fin du Hollywood des Studios, où on fabriquait des stars, où on scénarisait aussi leur vie, de la fin dun système de mensonge, où tout le monde savait à Hollywood la vie privée des autres mais que tous étaient tenus au secret, où la carrière de Rock Hudson, taillée pour le grand écran, déclinait avec l’émergence de nouveaux acteurs (moins beaux, plus propices à lidentification), de la télévision (RH acceptera dy tourner des séries), il y a en filigrane une dimension militante dans cette seconde partie du livre. Lenchantement (fut-il factice) de la première partie sest dissipé faisant place au désenchantement et à la tragédie (bigger than life).

Le meilleur rôle de Rock Hudson? Celui de son personnage de Rock Hudson…

 

Et aussi

Géant, Rock Hudson, Liz Taylor

Géant, Liz Taylor, James Dean

Diffusion

Parution 12 septembre 2025

Éditions Capricci

Bande annonce

 

Notre note

 

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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