Géant : les derniers jours de Rock Hudson

Pitch
Les derniers sursauts de Rock Hudson, superstar des années 50, créée par Hollywood.
Notes
Qui sait combien de temps Rock Hudson a-t-il passé, les yeux fermés, à faire semblant? (Prologue du livre)
Né en 1925 dans un patelin du Midwest, Harold Roy Scherrer Jr, voit à dix ans son père quitter le domicile familial, sa mère se remarier avec un certain Fitzgerald, ancien Marine, homme violent qui les battait, lui et sa mère.
Débarquant à Hollywood, RH va d’abord y retrouver son père qui y a refait sa vie. Puis tomber sous la coupe de l’agent des stars de l’époque : Larry Willson. Rock Hudson est très ambitieux («il ne veut pas simplement être acteur, il veut être une super-star») et sait qu’il n’a pour atout que son physique : très grand, très beau. Larry Willson, qu’on dit spécialisé dans la fabrication des stars (Lana Turner, Joan Fontaine), avec un faible pour les beaux mecs homosexuels, en contrepartie, condition sine qua non, de faveurs sexuelles, va tout apprendre au petit gars du Minnesota (parler, marcher, changer sa voix, son sourire, son nom…) et à partir de Roy Scherrer, fabriquer la star Rock Hudson formatée pour faire rêver, fantasmer, les jeunes femmes du monde entier. Le prix à payer pour Rock Hudson : se cacher, vivre dans le mensonge, ne rien laisser apparaître de son homosexualité en public. Toute sa vie, Rock Hudson vivra cadenassé dans son personnage, celui qu’il interprétait le mieux. Quoique dans ce qu’on appelait «le Château», sa luxueuse demeure, il invitera qui il veut mais toujours avec la porte fermée.
À trente ans, le célibat de RH étonnant les gazettes et le public, Willson, «le grand architecte du secret», lui fait épouser sa secrétaire : Phyllis Gates qu’on dit lesbienne. À la lecture des mémoires de cette dernière, le doute subsiste, il est possible qu’ils eu, parfois, «une vie de couple».
Outre la fabrication de la star RH, ses débuts, on va de films en films, les rencontres déterminantes avec des réalisateurs comme Anthony Mann (Les Affameurs), Douglas Sirk (Le Secret magnifique, Tout ce que le ciel permet) : des actrices comme Doris Day (comédies comme Confidences sur l’oreiller), jusqu’à Georges Stevens et Géant (au casting, Liz Taylor et James Dean) qui voulait faire une sorte d’Autant en porte le vent texan…
Il y a deux parties dans ce livre :
Le monde rêvé et le monde réel.
Dans le monde rêvé, le style de l’auteur, un peu nostalgique, un peu poétique, nous emmène avec lui dans les coulisses du grand Hollywood. Dans le monde réel, les considérations scientifiques figent le style tout comme la pandémie va casser la machine à rêve, déjà mise à mal par l’émergence des «moches », comme disait lui-même Rock Hudson en parlant d’acteurs comme Bob DeNiro, Al Pacino ou Dustin Hoffman.
Au cours de la lecture de cette seconde partie, LE MONDE RÉEL, très documentée, sur l’évolution du VIH du début des années 80 (où apparurent les premiers cas de SIDA), puis, la découverte, l’identification, du virus (Institut Pasteur), l’auteur raconte la terreur insensée d’être contaminé par le virus qui s’empara alors du monde entier, ici, du cinéma, au temps où le taux de morts par cette la maladie était de 100% jusqu’à ce qu’on découvre enfin un traitement qui permet de vivre : les trithérapies (1996).
Le SIDA, Syndrome D’Immuno-Deficience Aiguë, en provoquant la chute des leucocytes, et, par là, la chute, la disparition de l’immunité, permettait l’entrée de germes dits «opportunistes» provoquant toutes sortes de pathologies différentes les unes des autres. Néanmoins, on retrouve souvent le syndrome de Kaposi, les affections pulmonaires aiguës… Comme les premiers malades sont tous homosexuels, on l’appelle dans une premier temps, le «cancer gay » quand on se rend compte qu’on peut contracter la maladie par transfusion sanguine (en fait, il faut ce que le professeur Montagnier (prix Nobel pour la découverte du VIH) appelait «une porte d’entrée», la voix sexuelle, la voix sanguine, notamment chez les toxicomanes par le partage de seringues contaminées).
L’auteur raconte les conséquences de cette peur panique de la contamination sur la population : l’abandon de malades mourants dont la plupart des hôpitaux ne veulent pas. Dont on n’ose pas s’approcher, encore moins toucher. Les fantasmes collectifs qu’on pourrait être contaminé en embrassant un malade (longtemps, la salive sera incriminée). En France, le sinistre personnage politique Le Pen comparera les malades du SIDA à des lépreux. Aux USA, malgré l’amitié de Nancy Reagan, le gouvernement choisit d’occulter la maladie. Choquée, Liz Taylor, partenaire (Géant) et amie de Rock Hudson, rejointe ensuite par d’autre stars, fera alors un gala avec appel aux dons pour la recherche d’un traitement et s’investit personnellement dans le soutien des malades.
Rock Hudson, diagnostiqué positif au virus VIH en 1984, va tenter en secret un traitement intensif expérimental à Paris. Pour expliquer cet intérêt soudain pour la France et l’Europe (Italie, GB) tout en restant muet sur les raisons de ses séjours, Rock Hudson se rend, notamment, au festival américain de Deauville, où il a désormais une cabine de bains à son nom sur Les Planches.
Mais, occupé par le tournage de Dynasty (il y joue l’ancien amoureux de Kristle Carrington), il ne retourne pas à Paris à temps pour poursuivre ce traitement (aurait-il marché sur le long terme?) : descendu au Ritz, il est évacué vers l’Hôpital American après un malaise. Dès l’annonce officielle de sa maladie (juillet 1985) par l’AP francaise Yanou Collart, son amie, la panique se répand, il doit quitter en catastrophe et l’Hopital Américain et Le Ritz, obligé d’affréter, à ses frais, un 747 d’Air France (qui refuse de l’embarquer avec d’autres passagers) pour lui seul afin de rentrer chez lui s’enfermer au «Château» où il finira ses jours, dans la silence d’un téléphone qui ne sonne plus.
Malgré que cette seconde partie parle en parallèle de la fin du Hollywood des Studios, où on fabriquait des stars, où on scénarisait aussi leur vie, de la fin d’un système de mensonge, où tout le monde savait à Hollywood la vie privée des autres mais que tous étaient tenus au secret, où la carrière de Rock Hudson, taillée pour le grand écran, déclinait avec l’émergence de nouveaux acteurs (moins beaux, plus propices à l’identification), de la télévision (RH acceptera d’y tourner des séries), il y a en filigrane une dimension militante dans cette seconde partie du livre. L’enchantement (fut-il factice) de la première partie s’est dissipé faisant place au désenchantement et à la tragédie (bigger than life).
Le meilleur rôle de Rock Hudson? Celui de son personnage de Rock Hudson…
Et aussi

Géant, Rock Hudson, Liz Taylor
Géant, Liz Taylor, James Dean
Diffusion
Parution 12 septembre 2025
Éditions Capricci
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