"Baby face" ("Liliane") : profession garce

Alfred E. Green, 1933

Ce film de 1933 est paradoxalement nettement plus hard que seront ceux des années 40 et 50. La chaîne TCM programme jusquau 29 avril un cycle quelle appelle « pré-code », cest à dire avant le code de censure Hays (1934) qui va aseptiser le cinéma américain pour les vingt années à suivre. Ni sexe ni violence ni même de scènes suggestives, dallusions sexuelles ou de situations amorales, un an plus tard, « Baby face » naurait pas pu sortir On comprend alors pourquoi ce film semble étonnamment moderne et audacieux, dautant que Barbara Stanwyck en est lhéroïne, une actrice intemporelle dont le jeu est déjà en lui-même dun modernisme surprenant pour lépoque, une des plus grandes actrices de Hollywood.
Employée dans le bar clandestin minable de son père, Lily Powers, malgré son tempérament énergique et volontaire, a lhabitude dêtre exploitée par les hommes. Son père la vend aux clients, sa mère a quitté le foyer, sa seule amie, une employée noire maltraitée, lui remonte le moral. Pourtant un habitué du bar, féru de Nietsche, va lui servir de guide spirituel, lui offrir des livres comme « La Volonté de puissance » et la convaincre de devenir exploiteuse à son tour pour réussir en utilisant les hommes.


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photo Warner

 

Après la mort accidentelle de son père dans lincendie du bar, Lilly, et avec elle lemployée du bar, quitte sa Georgie natale pour NY. Aussitôt dans le train, elle séduit lemployé pour voyager sans billet. Dans une banque de Manhattan, elle vampe le chef du personnel pour se faire engager. Ainsi, en même temps que les étages du building, Lilly va gravir toutes les étapes de la hiérarchie jusquau dernier étage de la direction, renvoyant un à un ses amants devenus inutiles après chaque promotion. Du premier petit chef au jeune directeur fiancé à la fille du vice-président qui deviendra lui aussi son amant, la couvrant de bijoux et de fourrures, la garce garde à lesprit le conseil de son mentor : ne jamais faire de sentiment même si certains hommes lui plaisent bien. Malheureusement, deux dentre eux ayant eu limprudence de sentre-tuer, elle est exilée à Paris

La transformation physique de Lilly accompagne lévolution de sa carrière canapé, de plus en plus blonde, permanentée, crantée, les bracelets en rang serré sur ses bras, les robes glamour (la robe longue en satin noire nue dans le dos jusquaux reins bien avant Mireille Darc ! ! !). Mais le regard conquérant, brillant, lexpression autoritaire et gourmande, inchangés. Sous ses atours hyperféminins, Lilly a un comportement plutôt masculin, directive, péremptoire, violente, dans le bar de son père, elle frappe les hommes pour se défendre, à la banque, elle les rend fou de désir et les infantilise ensuite, les rendant dépendants delle, appelant le vieux sous-directeur « bébé ». La force de Lilly, cest dignorer les sirènes de lamour quelle sinterdit, inversant alors les rapports de force avec les hommes. Comme elle le dit vers la fin du film, sans argent, elle redevient personne, elle ne peut pas sautoriser à être gentille.Portrait d’une garce professionnelle, prête à tout pour changer de catégorie sociale mais une garce qui a des excuses, prostituée par son père, abandonnée par sa mère, Lily, magnifiquement interprétée par Barbara Stanwyck, a-t-elle vraiment le choix des armes? En filigrane, le portrait d’une Amérique impitoyable où on est viré dans lheure, où la fin justifie les moyens. La fin du film noir est entrouverte, on a dilué le noir pour du gris foncé

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Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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