« Xanadu » : la lettre à Elise

diffusion Arte à partir du 30 avril 2011

Pitch

Saga déglinguée dune famille rongée par le business du porno dans lequel a baigné leur enfance, immergée dans le souvenir morbide d'Elise Jess, leur mère, star métérore du X des années 80, égérie de Xanadu, société dirigée par leur père, inconsolable de sa disparition.

    


La prochaine série d’Arte risque fort de dérouter : « Xanadu » (une famille classé X) est le récit des névroses en série d’une famille déglinguée, colonie de héros tragiques à la dérive, régentée par un partriarche usé, roi  du porno sur le déclin, en prise avec les nouveaux médias, les nouveaux circuits de distribution, les nouvelles façons de tourner des films X. Xanadu est aussi le nom du manoir inachevé du magnat de la presse  de « Citizen Kane », un détail qui donne le ton de la volonté auteuriste, même relative, de cette série…
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Mais ce qui frappe surtout, de prime abord, c’est l’omniprésence de la mort. Comme cette métaphore rustique un peu simplette, se la jouant Bunuel, la campagne, un  seul arbre sec, où, une fillette représentant la mort, robe en satin rose, cape rouge et diadème, conduisant une charrette, installe dans sa dernière demeure un homme en chemise de nuit d’hôpîtal en train de creuser sa propre tombe : il s’agit de Laurent Valadine, le fils aîné, blessé à la fin du premier épisode, dans le coma. Intéressant, en revanche, la dimension thriller, la présence obsédante de l’absente, Elise Jess, star du porno des années 80, disparue dans des conditions mystérieuses, première épouse du patriarche Alex Valadine, qui hante la famille encore 18 ans après sa mort. Chaque épisode est d’ailleurs ouvert par une vidéo d’époque d’Alice Jess. 


Gaïa Amaral (Elise Jess), photo Arte

Les détails morbides s’accumulent, les fantasmes sanguinolents se multiplient, l’assiette de nourriture mangée par les vers, la hardeuse séropositive, les verres des lunettes du frère cadet afin de voir tout en vert cadavérique, le fan qui vit dans un grenier tapissé d’affiches d’une morte, Elise Jess, va nettoyer sa tombe tous les jours, cimetière où se promène la fille de Sarah, ado instable, on le serait à moins. Les hémorragies pleuvent, du sexe, oui, mais surtout sexe&sang (et pas sex&sun…) : 
le tueur fou qui tire sur  tout le monde à l’exposition  posthume sur Elise Jess (un peu genre Gus Van Sant, autre référence),  les fantasmes de tueur sanglant de Laurent qui n’a pas osé tenir tête à un automobiliste, le hardeur à qui ont fait croire que sa partenaire de X  serait morte par sa faute d’une hémorragie utérine, le lit sanglant de Lapo après la visite d’une prostituée mineure chauve, le corps strié de cicatrices, la copine de Varvara, enceinte, n’assumant pas son statut d’ex-actrice du X, retrouvée suicidée chez elle. Les stigmates du corps et de l’esprit  sont partout : le silicone perdu de la nouvelle égérie de Xanadu, vieillissante, pathétique, Vanessa Body (très touchante compostition de Vanessa Demouy), qui s’injecte n’importe quoi dans la poitrine pour continuer à tourner, les séjours en HP de Lapo, le petit frère, la déchéance physique du patriarche, les souvenirs  inconsolables de Sarah, la fille du patriarche, des tournages porno de leur mère, films réalisés par son père dans leur maison, ces soirs où elle la voyait revenir démolie, c’est elle, Sarah, qui avait appelé la police autrefois, d’où sa brouille pendant dix ans avec son père. 


Vanessa Demouy (Vanessa Body), photo Arte

Les épisodes 1 à 3 ont été tournés par le réalisateur canadien Podz, les suivants, épisodes 4 à 8, par  Jean-Philippe Amar. La série, écrite par Séverine Bosschem, coproduite par Arte, Haut et court et Orange Cinéma Séries, est ambitieuse, artistiquement parlant, il y a une recherche évidente de ton, de style, une narration mêlant rêve et réalité avec des plongées oniriques, des acteurs jouant en décalage des personnages largués (Laurent/Julien Boisselier, Swann Arlaud/Lapo). Mais le résultat est sans doute plus morbide qu’ils ne l’avaient imaginé, l’univers du X est un support, un miroir de la société, pour parler de personnages aspirés par des violentes pulsions de mort, immergés dans le souvenir d’une morte qui semble les avoir entraînés avec elle. Passé le premier épisode (où on est tenté de s’en tenir là…), on finit par s’habituer à cette atmosphère crépusculaire, glauque, rougie, dépressive, aux espérances infimes pour les protagonistes de composer avec passé/passif traumatique, de « faire avec », d’exhumer un brin de vie de la pénombre de leur existence minée par les souvenirs, en proie à l’anathème jeté d’office sur leur secteur d’activité. Mais il faut de la persévérance au spectateur car l’empathie n’est pas au rendez-vous ou rarement et c’est surtout la rigueur du scénario avec ses rebondissements, sur trame d’une atmosphère hostile, en équilibre entre tragédie pure et résilience, qui maintient l’intérêt.
 

PS. La série est interdite aux moins de 16 ans


Mathilde Bisson (Lou), photo Arte

Arbre généalogique : dans la famille Volodine, Alex, le père, ancien king du porn business, niant la réalité, remarié à Varvara, une ancienne actrice X beaucoup trop jeune pour lui, obsédé par le souvenir de sa première épouse, Elise Jess, icône de l’âge d’or du porno, tragiquement disparue, et mère de leurs trois enfants, Laurent, l’aîné, retors, déprimé, Sarah, la fille, rebelle, sans illusions, exilée au Canada, Lapo, le cadet, surdoué et névrosé lourd. Deux ados, deux filles, paumées, celle de Laurent et celle de Sarah.

épisode 1.La société Xanadu, spécialisé dans les films porno haut de gamme, tenue d’une main de fer depuis 35 ans par Alex Volodine, est victime de la vogue du gonzo. Pressé par son fils aîné Laurent de se renouveler, Alex, qui vit dans le souvenir de sa première femme, Elise Jess, bien qu’il soit remarié à Varvara, le laisse faire mal volontiers. Le fils cadet, Lapo, lymphatique, parlant à voix basse à mots comptés comme si il dormait debout, s’est spécialisé dans le gonzo intello artistique. Mais Laurent (Julien Boisselier hâve, hébété) va encore beaucoup plus mal, névropathe, désaxé, sujet à des fantasmes sanglants, lâche, maltraitant son épouse Anne qui le lui rend bien. Les deux frères tentent un film nouvelle manière avec le hardeur Brendon mais les choses tournent mal. Sarah, la soeur, bannie de la famille, arrive de Montréal avec sa fille. La fille de Sarah, mal dans sa peau, passe des journées au cimetière sur la tombe de sa grand-mère, c’est là qu’elle rencontre un jeune fan d’Elise Jess.

épisode 2

Laurent dans le coma, Sarah reprend les rênes de Xanadu contre l’avis de son père qui, obligé de lui laisser les commandes, lui met dans son dos des bâtons dans les roues. Sarah fait venir un vieux réalisateur de X, ami de la famille, pour tourner son premier film avec un rappeur. Le lendemain, la hardeuse se plaint d’avoir été violée par le rappeur. Sarah la remplace par une jeune femme qu’elle a connue par hasard dans un squat. Pendant ce temps, Lapo est engagé par la concurrence pour réaliser une fausse sex-tape afin de relancer la carrière d’une chanteuse de la téléréalité en chute libre. Varvara Volodine (Nora Arnezeder), seule gentille de l’histoire, est enceinte d’Alex, le patriarche.

épisodes 3/4

L’épouse de Laurent, Anne, qui n’a jamais supporté l’univers du porno, veut vendre ses parts, Alex Volodine n’a pas les moyens de les racheter. Pour éviter l’arrivée d’actionnaires étrangers à la famille, Sarah, suggère qu’on engage une nouvelle égérie pour Xanadu : Vanessa Body (Vanessa Demouy), de retour des USA, refaite des pieds à la tête, plus fragile qu’elle ne veut le laisser paraître.

Alex Volodine, qui s’imaginait faire son grand come back devant la caméra, jette l’éponge. Pour pallier leurs défaillances, Sarah, qui s’est entichée d’une squatteuse délinquante, Lou, avec qui elle a des relations ambigües, prend les commandes et veut en faire la nouvelle star du X à la place de Vanessa Body.PS. Je stoppe ici les pitches des épisodes pour ne pas spoiler.

Diffusion « Xanadu » :sur Arte tous les samedis

à 22h25  à partir du 30 avril au 21 mai 2011
2 épisodes par samedi, 8 épisodes en tout.
casting : Jean-Baptiste Malartre (Alex), Julien Boisselier (Laurent), Nathalie Blanc (Sarah), Swann Arlaud (Lapo), Nora Arnezeder (Varvara), Judith Henry (Anne), Vanessa Demouy (Vanessa Body)



avant-première!
L’intégrale des 8 épisodes de « Xanadu » sera diffusée lors du
festival Series Mania au Forum des images le samedi 16 avril à partir de 15h30 (de 15h30 à 0h30) voir le détail…

 

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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