"Eldorado" : relooking road movie de "Tchao pantin"
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photo Haut et court
Prenant pitié de ce voleur de pacotille, Yvan finit par le reconduire jusquà la route principale où il le laisse avec le projet de rejoindre en stop le domicile de ses parents. Yvan vaque alors à quelque négociation de vente dune de ses voitures retapées à sa façon, pour en revenir dépité devant le refus des acheteurs. Sur le chemin du retour, il tombe sur Elie qui na pas bougé dun pouce. Par solidarité de tocards, il décide alors de le conduire lui-même jusquà ses parents, près de la frontière française.Commence alors un road movie conduisant les deux hommes de mésaventure en mésaventure : panne de voiture, accident nocturne, dépannage par un nudiste en vadrouille, rencontre avec la famille dElie dont le père léjecte à grand bruit, toilette au grand air dans une rivière glacée, baraque à frites au pied des piles dun pont, tentative de sauvetage dun chien ligoté qui leur arrive sur le toit après avoir été balancé du pont, Et cest au bout de ce périple que chacun reprendra sa route de son côté.
Lhistoire aurait pu être amusante si elle était traitée avec un minimum de légèreté, une once de dynamisme, un soupçon de sourire. Au lieu de ça, les situations sont posées lourdement avec un débordement de plans fixes sans paroles, chers au cinéma dauteur, personnages ne sachant pas trop que se dire dans un silence gêné, une économie de sourires frisant lavarice. Il peut y avoir un attrait pour le pince sans rire, pour peu quil soit contrebalancé par une surprise dans lexécution. Mais lorsque les trois ingrédients ont décidé simultanément de maintenir laiguille de leurs compteurs sur un zéro obstiné, on se demande bien comment le sourire du spectateur va bien pouvoir trouver à éclore. Et de fait, limpression générale tend davantage à prendre pitié pour ces deux zozos quà une quelconque empathie avec lun ou lautre. Là où on aurait bien tenté une projection ou une identification, on se retrouve finalement en retrait, en spectateur dune histoire étrangère.
photo Haut et court
Alternant les paysages western hyperstylisés et la route (la partie la plus réussie), en flagrant décalage (pour ne pas dire contresens) avec les échanges théâtralisés des deux personnages, le film y a pourtant gagné une aura de western moderne. Sauf à paraître un odieux puriste rabat-joie, on hésite à demander à quoi tient une telle comparaison. Il y a bien la forme road movie qui peut faire un peu illusion, mais et alors ? La forme est de plus renforcée par une bande son de rock mélodique vaguement apparenté à un country lointain. Mais est-ce bien suffisant pour justifier la comparaison ? Quoi alors ? La collection dune galerie dhurluberlus de rencontre, une baignade sanitaire dans une rivière, une nuit à la belle étoile dans un campement de fortune ? Belle affaire !Quant à lhistoire elle-même, les quelques circuits neuronaux encore actifs du spectateur moyen ne peuvent évidemment pas manquer de résonner à lévocation dun garagiste se prenant daffection pour un zonard junkie de l’âge de son fils quil suit dans ses tribulations. «Tchao pantin !» nétait-il pas une première version de la même histoire, citadine au lieu de rurale, et à la noirceur plus assumée ?
Reste un petit mystère. Que vient faire ce titre d «Eldorado» plaqué sur ce récit ? Quel est cet Eldorado qui semble annoncer la quête des personnages dont on ne voit pas bien ce quils cherchent ? Quant à lintervention initiale enfin de ce clochard mystique de lintroduction, même Tonton Sylvain, qui a dordinaire lesprit relativement tordu pour aller voir des significations cachées ou symboliques derrière les indices les plus douteux, même lui donne sa langue au chat. Quelque chose encore à voir avec la quête dun paradis perdu, avec lexpiation des péchés de jeunesse que nos deux zigotos semblent porter? Mais on n’est pas au bout de cet anti-Eldorado tant qu’on a pas entamé le dernier quart d’heure du film… Plus sinistre, c’est difficile… « L’Eldorado », ce ne serait pas le générique de fin et la sortie du cinéma?
Notre note
(2 / 5)
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