« Elle », ce qui ne tue pas…
Pitch
Une quinquagénaire, propriétaire d'une société de jeux vidéos, est violemment agressée chez elle par un type cagoulé mais elle ne porte pas plainte...
Notes
Il y a une étrange parenté entre « Elle » de Paul Verhoeven et « The neon demon » de NWR. Critic :
Ces deux femmes sont des femmes fatales dangereuses qui vont le payer de leur chair et pas seulement faire souffrir leur entourage. La femme fatale du film noir originel avait des origines sociales misérables dont elle voulait sortir à tout prix, ces films sont souvent adaptés des romans noirs d’après la crise économique de 1929. S’en sortir par tous les moyens, Barbara Stanbwyck et Tom Murray (à contre-emploi) dans « Double indemnity »/ « Assurance sur la mort ») de Billy Wilder, le chef d’œuvre du film noir. Cette scène anodine et essentielle dans un supermarché, société de consommation toute neuve de l’époque, les deux amants, l’agent d’assurance mal payé et la garce au mari épousé pour son argent, veulent tous les deux rafler la mise… Il tuera pour elle… Critic :
Depuis quelques temps, la femme fatale appartient à la génération psy, elle est dangereuse y compris pour elle-même et elle a eu une enfance qu’on devine traumatique. Elle Fanning, orpheline, raconte que sa mère lui disait « tu es une fille dangereuse ». Quel âge avait-elle? Quand elle débarque à LA avec le rêve d’être un top model, elle a 16 ans…
Quand la mère de Michele (Isabelle Huppert), ancienne infirmière, lui annonce que son père a demandé sa libération après quarante ans de prison, qu’en conséquence la TV repasse une émission ancienne sur « l’affaire » genre « Faites entrer l’accusé », cette mère, pathétique, abîmée par trop de chirurgie esthétique, flanquée d’un gigolo qu’elle veut épouser, demande à sa fille, et insiste, « va voir ton père! » Sa fille la rabroue, Mais Michèle n’ira voir son père en prison qu’après la mort subite de sa mère qui venait d’annoncer ses fiançailles à un repas de famille. Michèle, devenue un monstre froid que le sexe n’amuse pas mais qui couche néanmoins avec le mari de sa meilleure alliée (Anne Consigny, parfaite, sa séduction révélée par Verhoeven), venait de dire à sa mère « mais comment fais-tu pour être aussi grotesque? »
Michele n’aime que son chat et tente de sauver un petit oiseau que son gros chat si chouchouté était en train de dévorer. Paradoxalement, la première scène choc d’agression n’a pas tellement importance, agissant comme révélateur. Quand l’agresseur est révélé au spectateur, c’est un type plutôt beau, très poli et assez terne avec des fantasmes d’agression, Elle demandera « Pourquoi? », il lui répondra « parce que c’était nécessaire », ce que confirmera, in fine, son épouse (Virginie Effira) qui le connaît bien.
Au fur et à mesure des flash-backs sur les scènes de l’agression, il semble que Michèle ait des souvenirs de plus en plus violents jusqu’à quasiment hurler seule de douleur et de plaisir (Isabelle Huppert, XXL..)
On songe aux enfants abusés, coupables d’avoir eu du plaisir mêlé à l’horreur tel le cobaye de laboratoire réagit aux stimuli. Les enfants ne sont pas responsables des agressions pédophiles des adultes, il y a même des lois pour cela. L’apologie de la pédophilie des années 60/70 par des écrivains tarés, aujourd’hui vénèrés, comment cela a-t-il été possible?
Dans la scène d’agression qui ouvre le film, Michele est violée, violentée, sa porte forcée. L’agresseur avec son pantalon en tire-bouchon sur les chevilles, une cagoule noire qu’on imagine en latex, Une heure plus tard, couverte d’hématomes, Michele range sa maison et n’appelle pas la police. Bien plus tard, elle fera changer les clés. Elle range et prend un bain, à son fils, empêtré dans ses problèmes de couple, elle parle d’un accident de vélo. Avec ce fils unique, un ectoplasme sans volonté, Michèle est à la fois surprotectrice et castratrice ; le fils a une fiancée harpie dont Michèle aimerait bien se débarrasser, alors, mine de rien, elle tape là où ça fait mal « c’est son enfant à elle mais pas tien! », le bébé aurait la peau beaucoup trop foncée… Vers la fin du film, le fils viendra travailler dans la société maternelle de jeux vidéos gore, jamais assez violents et voyants, qui n’a pas une grande importance sauf Sauf que le chef, c’est Elle. Cette société de jeux vidéos représente la société contemporaine et l’arrière-plan du film, à Michèle, sa propriétaire, elle rapporte beaucoup d’argent, le nerf de la guerre, et avec elle la guerre est déclarée depuis l’enfance…
Le réalisateur brouille les pistes avec une virtuosité insensée. Après la tentative de viol, Michele veut pénétrer par effraction dans tous les ordinateurs de sa société, le coupable peut être n’importe qui et ils sont nombreux à travailler pour elle, on lui rétorque « mais c’est interdit!’, elle répond qu’un fou est en liberté. En deux mots, elle ne va pas se gêner, et aussi « les fous, j’ai l’habitude », tout est dit très rapidement sur le même ton agacé et monocorde où Huppert excelle. Mine de rien, on reparle du passé, on montre à l’écran une enfant de 10 ans couverte de sang et Michele se souvient douloureusement de cette photo d’elle tournant en boucle à l’époque sur les chaînes info qui parlaient d' »une enfant psychotique », elle avait dix ans, son père venait d’être arrêté pour des meurtres sauvages en série, inexpliqués. Après la mort de sa mère, Michele se décide aller voir son père en prison, agressive, avec un argumentaire contre lui a lui dire, mais c’ est trop tard. C’est lui qui n’a pas voulu voir sa fille…
« Ce qui ne tue pas rend plus fort » (Nietzsche) mais ça peut tuer à l’intérieur ou ça peut tuer tout court…
Et aussi
François Truffaut disait que la seule erreur dans un film était l'erreur de casting. Icî, Paul Verhoeven fait un sans fautes. De facture classique, le film est d'une force inouïe et cette force ne provient pas de la scène d'agression sexuelle d'une femme d'environ 50 ans, seule chez elle, une scène habilement placée en début de film. La perversité de Verhoeven est ailleurs : enfouie dans le personnage de Michèle avec une Isabelle Huppert d'autant plus parfaite qu'elle a un réalisateur à sa mesure. L'humour féroce est présent, on rit un peu d'une réplique ou d'une situation. Cinéaste paria célèbré aux USA avec "Total recall" er "Basic instinct", démoli avec "Showgirls, Paul Verhoeven n'est jamais aussi crédible que quand il tourne en Europe, son pays, la Hollande, avec "Black Book", la France avec "Elle" : il a été sélectionné au 69° festival de Cannes pour "Elle", certains le voyait repartir avec la palme d'or mais le film est profondément dérangeant, trop sans doute... Isabelle Huppert n'a pas obtenu non plus le prix d'interprétation...
Bande annonce
Notre note
(5 / 5)
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