« Loving Frank » : le sujet, d’abord, le style en sourdine

Nancy Horan, paru début septembre 2009
Mini-sélection de ma rentrée littéraire : après le roman autobiographique de Frédéric Beigbeider « Un Roman français », après le coup de foudre pour « La Faculté des rêves » de Sara Stridberg, il semblait très difficile de trouver roman aussi créatif et maîtrisé que cette fantaisie inventive et poétique autour de Valerie Solanas… Pourquoi pas « Loving Frank », une histoire vraie prometteuse de frissons de toutes sortes? Sauf qu’ici, c’est le contraire, l’auteur s’efface devant son sujet…  


Ce livre vient de recevoir aux USA le prix de la meilleure fiction historique et connaît apparemment un grand succès outre-atlantique, il faut dire que le sujet est séduisant : la scandaleuse histoire d’amour au début du siècle dernier entre l’architecte Frank Lloyd Wright et une dame de la bonne société de Chicago, mariés chacun de leur côté. Pour l’amour de Frank, Mamah Cheyney va quitter son foyer, son mari, ses trois enfants. Ce dernier fera la même chose, abandonnant son épouse et ses six enfants.
Mariée à Edwin Cheney, un homme bon et généreux qui ne lui plaisait pas vraiment, Mamah Borthwick mène une vie apparemment heureuse et parfaite. Quand Edwin se met en tête de faire construire une maison moderne, une maison d’artiste que tout le monde admirera à Chicago. C’est le début de la fin car Mamah, pendant les travaux de leur maison-jardin,

va rencontrer Franck Lloyd Wright, génie de l’architecture et séducteur, auquel elle ne résiste pas. Pourtant, elle refuse de le voir pendant deux ans et interrompt leur liaison clandestine. Mais c’est pour se rendre à l’évidence qu’ils ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre et surtout pas cachés : ils abandonnent alors chacun définitivement leur famille pour vivre ensemble d’abord à l’étranger, la France, l’Italie, l’Allemagne.
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Malgré l’influence d’une philosophe suédoise prêchant l’émancipation des femmes dont elle traduit les oeuvres, Mamah, intellectuelle qui fut militante féministe à l’université, est dévorée par la culpabilité d’avoir abandonné ses enfants bien qu’Edwin accepte le divorce et se remarie. Ce qui n’est pas le cas de Catherine Whright, l’épouse légitime de Frank qui fait mine d’attendre son retour. Scandale  immense aux USA dont les journaux s’emparent, ils ne les lâcheront plus pendant des années. Rentrés aux Etats-Unis pour s’établir à la campagne dans le Winsconsin, habitant une maison idéale construite par Frank qui voulait retrouver la terre inspiratrice de ses ancêtres, un drame atroce aux allures de châtiment horrifique va défaire ce couple maudit.
Ecrit d’une manière très classique, un peu fade, souvent trop descriptive et semblant diluer le sujet, on ne comprend qu’à la fin du livre pourquoi ce style si sage, ces descriptions si pudiques de l’amour entre Frank et Mamah, cette supposée douceur pour amener le lecteur au drame qu’il est incapable de soupçonner. Même si, habilement, les derniers temps ne sont plus aussi idylliques qu’au début entre Frank et Mamah, que les dettes contractées pour leur maison du Winsconsin les divisent, les descriptions des beautés de la vie près de la nature ne convaincant pas à dessein afin d’amener subtilement le choc de la fin d’une violence inversement proportionelle au ton atone conservé pour la décrire. Un style en sourdine pour mettre en valeur un sujet choc.

03/10/09

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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