"Les Naufragés de l'île de la tortue" : aborder Jacques Rozier avec cette comédie prémonitoire sur la société des loisirs

—–Gros-Nono démissionnaire (il préfère Paris et la préparation de son mariage), son frère, Petit-Nono, accompagne J.Arthur en voyage d’études aux Caraïbes. La visite au grand boss (Jean-François Balmer débutant), milliardaire blasé les emmenant déjeuner dans un palace géant avec à ses côtés un top model descendu de la couverture du dernier « Vogue » en dit long sans rien dire, omnubilés par le luxe, les deux compères n’entendent rien, la manière qu’a Rozier de filmer le lustre de Murano, de monter le son de la musique d’ambiance, de se focaliser sur le verre d’un cocktail compliqué avec lequel Gros-Nono s’étouffe, démontre la condescendance paresseuse du PDG, indifférent à ses hôtes, qui ne leur parle que profit et marges bénéficiaires trop étroites, emballé par un projet sans frais…
Le succès du voyage est tel qu’on demande à J.Arthur de recevoir un premier groupe au pied levé… Je passe sur l’arrivée à l’aéroport car toute les scènes mériteraient d’être racontées tant c’est drôle, j’en ris encore en l’écrivant. En deux mots, dans la seconde partie exotique du film, le groupe, chargé comme des mules, guitares, matériel de plongées, sacs, valises, va d’abord traverser la jungle hostile jusqu’à une embarcation de fortune pour naviguer vers l’île déserte. Mais, à quelques brasses de l’île, J.Arthur, chapeau de paille en tricorne sur le crâne, refuse alors d’accoster, les voyageurs doivent s’y rendre à la nage comme Robinson Crusoé, seules deux chevrettes qui ne savent pas nager, embarqueront sur l’annexe, bien pire, le Saint-Just du séjour Robinson décide de jeter tous les bagage à la mer, le tabou ultime, l’insupportable, la mutinerie n’est pas loin…
Je vous laisse découvrir la suite, j’en ai déjà trop dit mais en ces périodes de disette idéologique (impossible de lire la propagande JDD ce dimanche matin avec, à la une, la récupération de l’élection Obama par… Carla Bruni pour le compte de son Napopérette… no comment…), quelle bouffée d’air pur, d’air du large, larguons les amarres… Dans le même genre, j’avais redécouvert en DVD cet hiver une géniale comédie oubliée d’Ettore Scola « Nos héros retrouveront-ils leur ami mystérieusement disparu en Afrique? » où Alberto Sordi part avec son comptable (Bernard Blier) à la recherche de son beau-frère (Ugo Tognazzi) devenu sorcier dans une tribu africaine pour échapper à l’ennui abyssal de la Dolce vita romaine… Deux films intelligents, critiques acides de la société traités sur le ton de la comédie loufoque. Dans ces « Naufragés de l’île de la tortue », non seulement le ton est unique mais on découvre des acteurs sans contrainte : un Pierre Richard moins formaté, plus libre et inventif, que dans les comédies pourtant top de Jacques Veber, à qui on donne le temps et l’opportunité de l’improvisation, des acteurs débutants : Jacques Villeret, Jean-François Balmer, Patrick Chesnais, etc…



Notre note
(4 / 5)
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