«Holy terror » : onze ans avec Warhol..

focus culture Fin novembre 2017

Pitch

Il a connu Andy Warhol en 1971 pour diriger son magazine « Interview » et ne l’a pas quitté, jour et nuit, 11 années durant. Bob Colacello raconte de l’intérieur la vie quotidienne avec Warhol...

Notes

Fini «Holy terror», LA biographie d’Andy Warhol de Bob Colacello, 969 pages sans en sauter 1 seule! Livre captivant où l’auteur raconte entre colère et tendresse, 11 ans avec 1 artiste aussi émouvant que tyrannique, workaholic insatiable de célébrité et de fortune, que rien n’apaisera de son angoisse profonde du manque : perpétuellement mal à l’aise, apeuré, hypocondriaque, d’une radinerie pathologique, entouré de favoris pour se protéger, divisant pour mieux régner, usant les meilleures volontés, il demeure un enfant triste, pauvre dans sa tête, rongé de solitude, qui se cache néanmoins tous les matins pour acheter compulsivement des riches collections de tout qu’il entasse dans ses maisons où il n’invite jamais personne.

La description des soirées du NY underground décomplexé des années 70 et 80 (la consommation des drogues s’étant banalisée au point d’offrir des saladiers de cocaïne dans les soirées, de passer autant de temps dans les toilettes du Studio 54 à se poudrer le nez que sur le dancefloor), le portrait sans concessions de la jet-set internationale débridée et oisive, se déplaçant inlassablement entre Paris, Rome et NY pour y faire la même chose, y voir les mêmes gens, donne un éclairage unique sur un monde d’hier qui n’existe plus et n’existera plus. Un monde, par ailleurs, indissociable de la vie de Warhol, invité et fêté partout, voyageant donc sans cesse mais ne profitant de rien (ou presque) car obsédé par la vente de ses œuvres, le décompte des portraits hors de prix que pourraient bien lui commander les stars, milliardaires et autres «grands de ce monde» qu’il fréquente sans relâche.
Ses sorties tous les soirs de sa vie (jusqu’à quatre soirées différentes tous les soirs) tiennent autant du parcours commercial, de la crainte de la solitude, que du plaisir d’être photographié par la presse aux côtés des célébrités.

Le seul problème de ce livre, ce sont les questions que l’on peut légitimement se poser sur  l’objectivité de l’auteur ; sa position d’insider, d’intime de Warhol, qu’il fréquentait du lever au coucher tous les jours, onze années durant, avec qui il sortait tous les soirs dans toutes les fêtes, tous les clubs, faisant également partie de tous ses déplacements et voyages, voire, accessoirement lui rendre bien d’autres «petits services» comme écrire des articles signés Warhol ou poser pour lui… (un rôle bien au delà des nécessités de son poste de rédacteur en chef du magazine culte «Interview»), est sa force et sa faiblesse. Peut-on être juge et parti quand on a participé soi-même à toutes ces soirées délirantes avec les stars qui fascinaient le maître du Pop art, qu’on est devenu aussi proche d’elles que Warhol lui-même? Néanmoins, l’auteur a attendu quatre ans après sa démission d’ «Interview» et de la Factory pour prendre un peu de distance.

Et aussi

[caption id="attachment_17989" align="aligncenter" width="385"]E04CEBFA-BB06-47EE-9FB6-3629EEC07326 Andy Warhol, Mick Jagger et Bob Colacello[/caption] Le livre ne fait pas impasse sur la trajectoire professionnelle de Warhol depuis son enfance pauvre à Pittsburgh jusqu’à sa lente consécration à Manhattan, son intelligence instinctive d’avoir créé le Pop art au bon moment à partir des articles de consommation courante et des icônes païennes adulée par les foules : les boites de soupe Campbell dupliquées ont lancé sa carrière, il a enchaîné avec la série des Marilyn, plus tard celle d’Elvis Presley, etc.... La société de consommation fut son terrain de jeu, le star-system aussi. L’auteur décrit un homme complexe, infantile, anxieux, exigeant, intrusif (dans la vie privée de ses collaborateurs), qui peint cependant tous les après-midis dans le fouillis et les allées et venues de la Factory, tout en faisant dix choses à la fois, plus soucieux qu’il n’y paraît, sous des dehors futiles et potiniers, de la construction de son œuvre, de sa consécration en tant qu’artiste véritable et de ce qu’il léguera à la postérité. Quand Bob Colacello débarque à la Factory en 1971, Andy Warhol est déjà célèbre mais pas encore vraiment reconnu par la profession (on peut encore acheter une de ses œuvres sans être milliardaire), dix ans plus tard, la côte de ses tableaux a explosé, grimpant un peu plus à chaque exposition, peu avant sa mort en 1987, tardivement adoubé par ses pairs, il est devenu une icône. Un livre qui nous livre au passage un voyage au pays des people des années 70 et début 80 avec multe détails et anecdotes (l’auteur semble avoir une tendance à l'hypermnésie, se souvenant de tout, d’autant qu’il tenait un journal). Parmi les connaissances de Warhol, surnagent, d’un namedropping d’un peu toute les rich and famous de l’époque (ce catalogue de noms plombant un tantinet le récit...), les rares proches, ceux qu’il voit souvent et pas seulement pour leur tirer le portrait : Paulette Goddard, la première épouse de Chaplin, aventurière au cœur sec pesant les hommes au nombre de carats des diamants qu’il lui offrent, Liz Taylor qu’on découvre plutôt cool et un peu lasse après son double mariage raté avec Richard Burton (deux des trois des trois célébrités dont il ne parviendra jamais à faire le portrait, la troisième étant Imelda Marcos), Bianca Jagger avant et après son divorce avec Mick Jagger, les deux sœurs Bouvier, soit, Jackie Kennedy-Onassis et surtout Lee Radziwill, sa sœur cadette, icône de mode et beaucoup plus délurée. Et quelques anciennes superstars sixties de la Factory 1 (il y en aura quatre à quatre adresses différentes) du temps où Paul Morrisey réalisait les films de Warhol à la pelle, une ambiance «portes ouvertes», propice à tous les excès, décrits notamment dans les autobiographies de deux d’entre elles, Viva et Ultra-Violet, une période que ne connaîtra pas Bob Colacello, la tentative d’assassinat de Valérie Solanas en 1968 sur Andy Warhol l’ayant rendu extrêmement méfiant et il ne s’en remettra jamais vraiment. Si l’auteur avait connu Warhol dix ans plus tôt (il l’a connu en 1971), dans les années 60 de la météore et cultissime Edie Sedgwick*, il aurait écrit au moins 2000 pages... * Edie Sedgwick, mannequin, égérie d’Andy Warhol (et actrice dans ses films) qui l’adorait et avec qui il avait fini par se fâcher, est justement morte, ayant quitté NY, en 1971... [caption id="attachment_18001" align="aligncenter" width="237"]84C17387-128E-483F-8005-B33B8DBFB145 Paulette Goddard et Andy Warhol[/caption] [caption id="attachment_18002" align="aligncenter" width="225"]And Andy Warhol et Lee Radziwill[/caption] [caption id="attachment_18003" align="aligncenter" width="243"]Bianca Jagger et Andy Warhol Bianca Jagger et Andy Warhol[/caption]          

Diffusion

«HOLY TERROR»

Editions Séguier pour la publication française fin novembre 2017. L’édition française de 2017 est illustrée uniquement par les photos de l’auteur.

Ce livre fut publié aux USA des 1990. En 2007, Bob Colacello a publié un livre de photos de ses années à la Factory : «Bob Collacello’s out»

 

Notre note

4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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