"Le Passager de l'été" : L'Amant de la Saint Joseph

Florence Moncorgé-Gabin, 2006
Il y a avait eu «Le Passager de la pluie», polar des années 70 avec la craquante Marlène Jobert, voilà celui des années 50. Quand la fille de Jean Gabin met en scène la fille de Johnny Hallyday, ça donne un film très timoré, plein de nostalgie et de pudeur. La nostalgie, Florence Moncorgé-Gabin ne s’en lasse pas, elle avait publié le portrait de son père dans un livre il y a peu, son héros s’appelle Joseph Gabeur (JG), son film se passe à la campagne (Jean Gabin y vivait, se considérant autant comme un agriculteur que comme un comédien) dans les année 50.
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L’idée de scénario existe : un homme (Samuel Le Bihan) arrive à la campagne à la recherche de son père avec pour seul indice un cahier d’écolier datant de 1950. Un villageois claudicant (Jacques Spiesser) lui raconte ces années-là du temps où il était Paulo, le commis de MoniqueEn 1950, Monique Gaillard (Catherine Frot), femme énergique et péremptoire, tentait de faire tourner sa ferme après l’abandon de son mari, avec sa belle-mère, Prudence, sur les bras, et sa fille Jeanne (Laura Smet), sa fierté, institutrice au village. Paulo, le narrateur, lui donnait un coup de main quand un jour débarqua un homme jeune, ouvrier agricole, en quête de travail saisonnier, Joseph Gabeur (Grégory Dérangère). « J’espère que vous n’êtes pas fainéant ! » lui lança Monique en le jaugeant, « ça veut dire que vous dites oui ? », répondit Joseph. Engagé pour 200 francs par jour, Joseph Gabeur se mit au labeur avec une conviction qui acheva de séduire Monique, si besoin était. Au village, on se mit à jaser, surtout du côté du maire, Maurice (François Berléand), également propriétaire de la ferme et qui entretenait une liaison épisodique avec Monique.

Malheureusement pour Monique, totalement entichée de son nouveau commis, Joseph accepta l’offre de Jeanne d’apprendre à lire et à écrire. Aimé à la fois de la mère et de la fille, Joseph apporta plus de malheur que d’aide à la ferme en passager de l’été 1950.

Florence MG se repaît de la campagne où elle a habité presque toute sa vie, elle a dit dans une interview à la télé («Tout le monde en parle») que l’abandon de son propre mari lui avait permis de sauter le pas et de passer à la réalisation. Sans vouloir jouer les filles de Freud, le personnage de Joseph est à la fois le mari cruel qui abandonne et la figure de son père, l’un comme l’autre n’aimant que la campagne. L’action se situe en bord de mer, et, étonnamment, il n’y a que deux plans de la mer, un au début et un à la fin, tout le reste de l’histoire est filmé dans la ferme et sur la place du village, la photo donc est verte comme l’herbe, la réalisation aussi classique qu’à l’époque racontée, les scènes d’amour d’une pudeur extrême, surtout celles entre Joseph et Monique qui sont totalement tronquées, deux plans et on enchaîne sur un paysage. Ceci dit, amateur de suggestion, les scènes d’amour sont plutôt réussies d’autant qu’on fait bien la différence entre la relation de désir violent entre Joseph et Monique et la relation amoureuse entre Joseph et Jeanne, le regard de l’homme cruel pour Monique, tendre pour Jeanne.

Hormis ces quelques scènes charnelles pudiques, il ne se passe rien que le quotidien des travaux de la ferme, une rapide sortie de la messe du dimanche, quelques plans d’un repas sur la place du village, un achat à la pharmacie, et la campagne. Vers la fin, on reprend l’idée du début, le flash-back terminé, mais c’est rapidement expédié. La reconstitution des années 50 est soignée, les robes de femmes virevoltantes et ceinturées avec des décolletés discrets, les gilets en laine, les bas à couture, la 4CV verte, les chansons de Trenet, l’arrivée des premiers tracteurs.

C’est un film de femmes avec le loup dans la bergerie : la grand-mère, la mère, la fille et la copine pharmacienne délurée (Mathilde Seigner), Paulo et Maurice ne faisant que passer et Joseph étant figé comme l’objet des convoitises. Si il faut trouver un angle pour apprécier ce film, c’est le portrait de Monique, dont le livre de chevet est Madame Bovary et qui finira quasiment comme elle, ayant perdu son Joseph comme l’autre son Rodolphe (bien qu’Emma Bovary soit morte très schématiquement davantage pour des problèmes de promotion sociale et d’insatisfaction chronique que par amour pour son amant).

Catherine Frot est excellente, elle porte le film entièrement sur ses épaules, elle a une finesse, des nuances et une psychologie dans son jeu qui fait mouche, sur son visage, passent tous les sentiments qu’elle exprime ensuite oralement, elle pourrait se taire, on comprendrait. Ce n’est pas le cas de Laura Smet qui paraît très intimidée par son rôle de jeune fille timide, jouant souvent les yeux baissés, la voix discrète, très effacée, bien que le choix ne soit pas mauvais par rapport au physique des deux actrices qui sont crédibles en mère et en fille. Quant à Mathilde Seigner, on la voit à peine, comme venue en voisine.

Grégory Derangère, que j’avais déjà vu plus pétillant dans «Bon voyage» de Rappeneau, campe une idée de la beauté qu’on regarde comme une statue, dans un rôle de séducteur, il a zappé toute sensualité et animalité, si vous comptiez voir une variante de l’amant de Lady Chaterley, c’est loupé ! Comparé quelquefois à Gary Grant, c’est le héros sans aspérités par excellence. Me revient à l’esprit que Thierry Ardisson en faisant la promo du film a dit «c’est une sorte de «Théorème» (Pasolini) !!! Ultra-light et sans caféine

Si ce film n’était pas signé Gabin, l’aurait-on remarqué Film laborieux comme les travaux de la ferme, plein de bonnes intentions mais appliqué, dilué, éteint, vaguement somnolant, ça manque singulièrement de tripes et de culot, un film trop poli, trop lisse dont on retient surtout qu’il se passe à la campagne et la belle prestation de Catherine Frot.

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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