Michel Delpech, nos meilleures années…

focus culture/Édito (untitled)

Pitch

Michel Delpech aurait rêvé d'être un chanteur de rock, il sera inhumé demain vendredi au cimetière du Père-Lachaise près de Jim Morrison...

Notes

La graisse à traire pour frire au soleil, les cigarettes Gitane en avion après le décollage, passer la tête par la portière de la voiture et dire « le plein! », ni écran total ni ceinture de sécurité ni clim, quelque chose comme des paradis perdus.

Quand Michel Delpech est parti, il a emmené nos années heureuses avec lui, nous renvoyant au film des années 70 devenues cultes.

Après l’annonce de « La fin du chemin » (titre de sa dernière chanson), j’ai été frappée par les analyses pertinentes du contenu sociétal de ses chansons, aujourd’hui, cela me semblerait limpide comme je le remarque chez Benabar qui était devenu son ami, son disciple. Que les trentenaires sont sérieux désormais. L’insouciance n’est plus qu’un souvenir des témoins de l’époque.

Quand Delpech chantait « Pour un flirt », la France entière flirtait, pas l’élite parisienne, d’ailleurs y en avait-il vraiment une du temps où tous les regards louchaient vers Carnaby Street? Car c’est à Londres que ça se passait, le Swinging London, David Bailey et la Shrimp, Mary Quant et la mini-jupe, Twiggy, la brindille, la vraie, Anita Pallenberg qui avait plaqué Brian Jones pour Keith Richards. Ah, le concert des Stones en hommage à Brian Jones à Hyde Park, juillet 1969, Marianne Faithfull a choisi des vers de Shelley, Mick Jagger, les lit, costume en satin blanc, débardeur mauve, « il n’est pas mort, il s’est réveillé du rêve de la vie… », deux portraits géants de Brian Jones, overdosé dans sa piscine, mis à l’écart par le groupe, trônent néanmoins de part et d’autre de la scène.

Parachutés en Angleterre pour des études studieuses d’été virant aux nuits alcoolisées, échappés des famille d’accueil, on dansait dans des clubs géants stroboscopés, robes en velours minuscules à lacets, on flirtait dans les parcs, allongés en troupeaux, des bagues à tous les doigts, tuniques brodées et foulards indiens retenant les cheveux trop longs. On rapportait ensuite en province les 45 tours de Londres emballés dans du papier, T. Rex, « Instant Karma », Shocking Blue… Des pullovers en shetland deux tailles au dessous, Picadilly, les posters de Carnaby, le temple…

Le sourire fatal de Michel Delpech, « mon atout majeur » avoué dans « Quand j’étais chanteur » comme il l’a écrit puisque, lui, contrairement à Johnny ou Eddy, qui traduisaient des tubes US, écrivait des textes originaux ; il faut revoir « tu me fais planer », le scopitone (ancêtre du clip), son sourire céleste, comme volé par la caméra, s’évanouissant dans le cou de sa cavalière, ce sourire à se damner.

Ainsi, à l’identique, on dansait des slows dans des bals, des boîtes de nuits cool, celles en plein air de La Conca d’Oro, du Rancho, avec des clones de lui. Les disquaires, des copains (on ne disait pas DJ), vous passaient les titres à la demande quand un type, une fille vous plaisait… Ces slows, plaisirs démodés, précédant le « je te raccompagne? ». Entre pilule et Sida, la parenthèse enchantée…

On n’a pas compris quand il a chanté « il est fatigué le prince charmant… », immergés dans ses tubes sensuels, embués, l’esprit, le corps, le coeur, par son charme enveloppant, on n’a pas davantage entendu « ses rêves bleus sont un peu gris »… Il nous semblait qu’il aurait suffi d' »un petit tour au petit jour entre tes draps » pour se consoler… Dans les seventies, on croyait qu’on ne vieillirait jamais et surtout pas lui. Parce que figés dans « Wight is Wight », ce paradis musical d’avant même Woodstock, il y avait ce « ce soleil dans le gris du ciel » qu’on voulait éternel…

 

MD, confidentiel…

« Fan de toi », miroir des années heureuses, même aujourd’hui qu’on apprend tes années de dépression après 10 ans d’une existence artificielle de pop star brûlant sa vie, qu’en réécoutant tes chansons, on ne peux plus rester sourd à ces fragments pudiques de souffrance dont tu parsemais tes textes, butés, on voudrait l’ignorer encore et demeurer quand « Marianne était jolie ».

Dès les années 80/90, tu es devenu toi, ce type bien, conscient d’avoir voulu jouer un personnage qui  t’a dévoré, « je m’éclatais comme une bête quand j’étais chanteur », les femmes, la flambe, la coke, il n’y avait qu’à se pencher pour les ramasser. Je n’avais jamais vraiment écouté les paroles de « Je pense à toi », ce « Jules et Jim » désespéré, « je ne vis plus depuis qu’on t’on laissé », je n’ai pas voulu comprendre ton hypersensibilité… Ton SOS dans « Les aveux », cette sincérité trop sincère, sous les pattes d’éléphant en velours orange, les chemises à pois en satin, je ne l’ai pas captée, « j’ai tout inventé, ma vie, mes idées… j’étais prisonnier, je suis délivré… De la prison de coton que j’habitais depuis des années. J’ai tout fabriqué, je me suis trompé… ». Pourtant, tout était dit dès cette chanson clé moins connue « J’étais un ange »… « Avant d’avoir été un autre… Avant d’avoir été un lâche, avant d’avoir été un monstre, avant d’être cet imbécile que plus rien ne dérange … Avant d’avoir trahi des gens, avant d’avoir aimé l’argent… J’étais un ange »…

Mais « C’était nos quinze ans », on voulait simplement décoller avec toi, les sensations, ne pas penser, se fondre dans ta voix, ton sourire, ta musique planante, tes paroles mélodiques. A présent qu’avec ton départ, « Nos meilleures années », ce qu’il en restait, sont réduites en cendres, les plus malheureux sont ceux qui restent. Pour ces tubes intemporels, immortels, que nous écoutons en boucle, cette jeunesse, arrêt sur image, avec toi, merci…

« Tu me fais planer, tu me fais planer, oh yeah!… » Aujourd’hui tu me fais pleurer, tu nous fais pleurer, inconsolables…

 

 

Et aussi

[caption id="attachment_13240" align="aligncenter" width="385"]photo photo TF1 vidéo[/caption]   voir aussi critique du film "Nos meilleures années"...

Bande annonce

https://youtu.be/VpXlj7aLk4U

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

2 Comments

  1. Saveria -  9 janvier 2016 - 10 h 04 min

    Un véritable hymne à ce « paradis perdu » des années d’insouciances et de créativités en hommage à Michel Delpech à travers la plume avisée de CM.
    Années que des générations comme la mienne ont l’impression d’avoir vécues grâce à l’incroyable pouvoir de transmission de la musique.
    C’est le tour de magie des chansons….

    Répondre
    • Camille Marty -  9 février 2016 - 17 h 25 min

      La musique, le seul art universel… Merci pour ton commentaire. Biz. CM

      Répondre

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