📚📚«Dans la neige» : thriller en immersion

Pitch

Quand retrouve la belle Lucinda Hayes, 15 ans, tuée et abandonnée dans la neige, une petite ville américaine du Colorado est sous le choc...

Notes

Une élève de quinze ans est retrouvée assassinée dans la neige. Elle s’appelait Lucinda Hayes et faisait l’objet, sans avoir de l’air de s’en rendre compte, d’obsessions type amour fou ou haine. Le livre est un récit à trois voix en alternance : Cameron, son voisin et camarade de collège, qui passait ses nuits caché dans son jardin à l’observer jusqu’au matin, amoureux transi d’une image fantasmée. Jade, adolescente au physique ingrat, battue par une mère alcoolique (qui la préfère sa sœur plus jolie), dont Jap, le petit ami l’a délaissée pour Lucinda, du moins, c’est ce qu’elle croit car Jap et elle, c’était plutôt un amour d’enfance, néanmoins, elle la hait. Enfin, Russ, le policier chargé de l’enquête qui a des états d’âme : il fut longtemps le meilleur ami du père de Cameron, un flic ripou qui a préféré quitter la police et disparaître après avoir été arrêté, puis relâché sans preuves ; in fine, il a demandé à Russ un dernier service : veiller sur son fils.

Dans ce quartier Middle-Class, la proximité des maisons fait que tout le monde s’observe ; de sa fenêtre, Jade voyait tout : Lucinda dans sa chambre et Cameron la regarder la nuit, fasciné, tapi dans le jardin de Lucinda. Russ, pour sa part, ne peut pas s’empecher de craindre que Cameron ait hérité des mauvais gènes de son père, ce qui en ferait un coupable idéal…

Chacun des trois narrateurs va raconter les chemins de son intérêt ou obsession pour L et son environnement familial difficile, voire toxique. Cameron, à qui son père manque tragiquement tous les jours, vit seul avec sa mère qu’il trouve bien usée et vieillie par les soucis. Néanmoins, Cameron sera bientôt flanqué d’un futur beau-père sympa et charismatique qui est aussi son prof de dessin (dont le charme opère, malgré lui, sur les filles du collège…) à qui il a fait la bêtise de confier son cahier de dessins de L. Car Cameron a un don : dessiner des portraits de mémoire. Jade, couverte de coups et d’hématomes par sa mère, a développé une maladie de peau qui la défigure un peu plus et décuple la rage de sa mère envers elle. Russ a épousé une immigrée mexicaine qui ne l’aime pas mais lui est reconnaissante d’avoir pu par son mariage rester aux USA, elle et son frère, un voyou mystique qu’elle adore. Un mariage de raison qui tend vers sa fin.

Et aussi

Ce livre est officiellement le portrait intime d’une petite communauté d’une Amérique profonde traumatisée par un drame. En vérité, c’est plutôt un portrait de ce qui se passe «derrière la porte» avec tant de détails de la vie quotidienne de chacun, de ses vêtements, de ses habitudes, de son passé, de ses craintes, etc... que le lecteur, noyé dans trop descriptions, peut facilement perdre le fil du récit. Mais s’y habitue à mi-livre et, par ailleurs, se rend compte a posteriori que ces descriptions (qui lui semblaient des digressions) ne sont nulllement gratuites : elles veulent immerger le lecteur au plus profond du cerveau des narrateurs en les plongeant dans leur biographie détaillée, ici, des vies tristes et sans avenir qu’on gère au jour le jour comme on peut. Un procédé en immersion forcée. On est est à se demander si le meurtre de Lucinda Hayes n’est pas le prétexte à scanner les vies médiocres no future de Cameron, Jade et Russ. Car la lente résolution par la police de qui a tué L H, si elle semblait au départ le grand remède pour que cesse enfin le traumatisme de la petite ville, perd grandement en intérêt au cours du récit, et, à la fin du livre, cela devient quasiment une formalité de révéler le coupable car qu’importe qui l’a tuée... ou presque... Pour tous, elle n’était finalement qu’une image idéalisée, déréalisée, et d’elle, on ne saura rien. Un thriller atypique écrit avec beaucoup de sensibilité et un sens aiguisé de l'observation où comptent bien davantage la psychologie et l’environnement intime des personnages principaux que celle du couple classique victime/assassin.

Diffusion