
📚«Charles Manson par lui-même» : explosion d’un mythe

Pitch
L’unique confession de Charles Manson à un ancien codétenu en qui il avait confiance...
Et aussi
L’histoire de Charles Manson, considĂ©rĂ© comme le pire meurtrier de l’histoire des USA, est typiquement celle d’un engrenage. De son enfance triste Ă pleurer aux meurtres ignobles de 1969, qui l’ont rendu tristement cĂ©lèbre plus de 50 ans durant (et mĂŞme après sa mort en 2017), dans l’intervalle, il y eut toutes les Ă©tapes de la misère affective et l’apprentissage de la punition : après l’abandon par une mère adorĂ©e, il navigua de familles d’accueil en maisons de correction, oĂą il fut violĂ© et violentĂ©, puis, devenu adulte et dĂ©linquant minable, hanta diverses prisons (qu’il trouvait humaines, de la dernière, il ne voulait plus sortir...). Car Manson Ă©tait un loser, un pauvre type et il le savait.Â
On peut se demander pourquoi la pop culture a fabriqué ce mythe macabre Manson qui perdure encore aujourd’hui en 2019 avec des séries, le prochain film de Tarantino, par exemple, «One upon a Time in Hollywood» ou «Charlie says » par la réalisatrice d’«American psycho».
Ce livre, traduit en français 30 ans après sa parution par les éditions Séguier, donne une partie des réponses. Un livre qui est le résultat de centaines d’heures d’entretien du prisonnier Manson avec un ancien codétenu, Nuel Emmons, entre 1979 et 1985, devenu journaliste. Le seul homme en qui Manson avait confiance et à qui il raconta sa version des faits avec une lucidité étonnante. Jamais, il ne chercha à se disculper des meurtres de 1969 pour lesquels il n’aurait pu d’ailleurs n’être accusé que de complicité car son rôle fut d’y envoyer des filles fanatisées, celles de sa dite Famille Manson (pour lesquelles il était devenu un gourou), afin d’effectuer ces tueries qui devinrent des carnages. Si n’a jamais nié sa culpabilité, il a nié être volontairement devenu un gourou pour ces filles paumées que d’une certaine façon il aimait bien, qu’il avait accueillies dans une communauté isolée de tout dans le désert Mojave, d’ailleurs, quand elles ont témoigné contre lui, il ne s’est pas défendu.
On verra en lisant le livre la lente dérive de cette communauté (au départ, un projet utopique à décider de tout partager, les choses et les personnes, comme l'étaient les communautés de cette époque au moment de la déflagration de la libération sexuelle doublée de la banalisation totale des drogues) et la dérive violente de Charles Manson pour d’autres raisons plus personnelles. La dite Famille Manson était désormais défoncée 24h/24h, Manson lui-même était devenu agressif, autoritaire, parano, terriblement frustré et furieux que le producteur des Beach Boys ait refusé sa musique. Et la première tuerie (la plus célèbre car Sharon Tate enceinte y résidait avec des amis à elle ce soir-Là ) eut lieu précisément dans la maison de ce producteur... sauf qu’il ne l’occupait plus...
Ce livre passionnant explose le mythe Manson qui lui-même avait fait depuis longtemps l’analyse de sa mythication. Paranoïaque, diagnostiqué également schizophrène, mais intelligent, lucide... Manson a toujours dit que la société américaine lui avait «envoyé ses enfants». Son procès aurait-il été prétexte à zapper, camoufler, le malaise de la société américaine de l'époque, rejetée par ses propres enfants qui, mineurs, s'échappaient de la maison pour rejoindre les hippies de San Francisco ou d’ailleurs?
Une chose est sûre, après la lecture de ce livre, le lecteur ne verra plus jamais Charles Manson tel que les médias et la Pop culture le lui a toujours présenté.
Diffusion
EDITIONS SÉGUIER
parution 16 mai 2019
Notre note
(4,5 / 5)
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